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troupeaux en introduisant en France 6000 mérinos. Amateur éclairé des arts, il forma une belle galerie de tableaux, agrandie par ses fils, et riche surtout en chefs-d'œuvre des écoles hollandaise et flamande. Il laissa plusieurs enfants, dont trois sont connus: Benjamin (dont l'art. suit); François, banquier, député, membre libre de l'Institut (né 1780, m. 1867); Gabriel, pair de France, m. en 1858, préfet de police de 1836 à 1848, à qui Paris doit d'utiles réformes.

DELESSERT (Benjamin), fils du préc., né à Lyon en 1773, mort en 1847 en Angleterre, prit dès 1795 la direction de la maison de banque de son père, fonda en 1801 à Passy une raffinerie de sucre où il introduisit des procédés nouveaux, réussit le premier en France à fabriquer le sucre de betterave, et reçut en récompense la croix d'honneur de la main de Napoléon (1812); importa d'Angleterre l'institution de la caisse d'épargne (1818); siégea 25 ans à la Chambre des Députés, et en fut deux fois élu vice-président : c'est lui qui proposa de décerner une récompense nationale au duc de Richelieu après la libération du territoire français, et qui fit abolir la loterie, ainsi que les maisons de jeu. Il fut un des principaux membres de la Société philanthropique, et l'un des fondateurs de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale ; fervent propagateur de l'instruction primaire, il fut surtout le patron des salles d'asile. Justement surnommé le Père des ouvriers, il légua 150 000 fr. à la caisse d'épargne, à la charge de donner des livrets de 50 fr. à 3000 ouvriers choisis chaque année. B. Delessert était membre libre de l'Académie des sciences; il a formé de magnifiques collections botaniques et conchyliologiques; son herbier se compose de 80 000 espèces, qui ont été décrites par de Candolle dans ses Icones selectæ plantarum. On a de lui, outre des discours politiques et des écrits sur les caisses d'épargne, le Guide du bonheur, 1839. L'Académie de Lyon a couronné en 1850 l’Éloge de B. Delessert par M. Cap.

DELEUZE (J. Ph. Fr.), aide-naturaliste, puis bibliothécaire du Muséum d'histoire naturelle, né à Sisteron en 1753, mort en 1835, est surtout connu par son zèle pour la propagation du magnétisme animal. Il avait des connaissances également étendues dans les lettres et dans les sciences, et y joignait des qualités morales qui le firent universellement aimer et respecter. On a de lui : Hist. critique du magnétisme animal, 1813, 2 vol. in-8 (réimprimée en 1819); Instruction pratique sur le magnétisme animal, 1819 et 1836; et plusieurs autres écrits sur le même objet. Il a traduit les Amours des plantes de Darwin, 1799, les Saisons de Thompson, 1801, et a donné en 1810 Eudoxe, ou Entretiens sur l'étude des sciences, excellent guide pour l'étudiant.

DELEYRE (Ant.), littérateur, né aux Portets, près de Bordeaux en 1726, mort à Paris en 1797, étudia chez les Jésuites et fut d'abord d'une dévotion outrée ; se jetant ensuite dans l'incrédulité, il se lia avec les philosophes. Protégé par le duc de Nivernais, il fut nommé bibliothécaire du duc de Parme. A la Révolution, il fut envoyé à la Convention par le dép. de la Gironde, et s'y occupa surtout d'instruction publique. Deleyre a publié une Analyse de la philosopnie de Bacon, 1755, élégamment écrite, mais où il mêle trop souvent ses idées à celles de l'auteur; le Génie de Montesquieu, 1758; l’Esprit de St-Évremond, 1761, et plusieurs articles dans l’Encyclopédie.

DELFT, v. forte de Hollande (Holl. mérid.), à l3 k. N. O. de Rotterdam; 18 000 hab. Murs flanqués de vieilles tours; canaux; belle place du Marché; église neuve dont la tour a 100m de haut (cette tour renferme les mausolées de Guill. d'Orange, de Grotius et de Leuwenhœck) ; hôtel de ville, dit Prinsenhof ; grand arsenal, école d'artillerie. Faïenceries, fabriques de draps et lainages jadis en renom. Aux env., fonderie de canons et poudrière. — Delft fut fondée, dit-on, en 1704, par Godefroy le Bossu, duc de Basse-Lotharingie. Patrie de Leuwenhœck et de Grotius. C'est à Delft que Guillaume de Nassau fut assassiné, en 1584.

DELFTSHAVEN, v. maritime de la Hollande mérid., à 8 k. de Delft, dont elle est comme le port; 4000 h. Chantiers de construction.

DELHI, primitivement Indra-Prast'ha (c.-à-d. demeure d'Indra), grande v. de l'Hindoustan, ch.-l. du district de Delhi, dans la présidence de Calcutta, jadis capit. du roy. du Delhi et de toute la monarchie des grands Mogols, à 1300 kil. N. O. de Calcutta, à 180 kil. N. O. d'Agra, sur la r. dr. de la Djomnah, par 28° 42' lat. N., 74° 46' long. E. Cette ville a eu, dit-on, près de 2 000 000 d'hab.; elle n'en compte plus guère que 200 000. Quoique déchue, elle a de superbes édifices, notamment la grande mosquée et la Kottab-Minar, tour de 80m de haut. A Delhi résida jusqu'en 1858 l'héritier nominal des Grands Mogols; un agent anglais était chargé de le surveiller. — Des souverains hindous régnèrent à Delhi jusqu'en 1101. Elle fut alors conquise par Mahmoud le Gaznévide; en 1193, elle tomba aux mains de princes afghans ou patans. Tamerlan la prit et la pilla en 1398. Elle ne se releva qu'en 1631, époque où Chah-Djihan en fit de nouveau le siége de l'empire. Très-florissante sous Aureng-Zeyb, Delhi commença à déchoir à la mort de ce prince. Elle fut prise et inondée de sang en 1739 par Nadir à la tête des Persans, en 1760 par les Mahrattes : le premier pillage valut, dit-on, aux vainqueurs plus de 10 milliards de francs. Les Anglais s'en emparèrent une 1re fois en 1761, et une 2e en 1803. Elle s'insurgea en 1857, mais fut réduite la même année. — L'anc. prov. de Delhi, entre le Lahore au N., l'Agrah au S., l'Aoude au S. E., le Moultan au S. O., avait 500 kil. sur 270, et env. 6 millions d'hab. ; elle est arrosée par le Gange et la Djomnah; le sol en est très-fertile. Ce pays a été le centre de la monarchie des Grands Mogols; auj. il appartient presque en entier aux Anglais et forme 6 districts de la présidence de Calcutta.

DELILLE (Jacq.), poëte didactique, né à Aigueperse en 1738, était fils naturel d'un avocat du présidial de Clermont. Il fut successivement professeur à Beauvais, à Amiens, puis au Collége de la Marche à Paris. Il donna en 1769 une trad. des Géorgiques en vers qui fut reçue avec une admiration universelle et qui lui valut la chaire de poésie latine au Collége de France. Il fut admis à l'Académie française en 1774. Il publia en 1782 son poëme des Jardins, qui eut aussi beaucoup de succès. En 1784, il accompagna Choiseul-Gouffier dans son ambassade à Constantinople : en visitant le beau sol de l'Asie et les ruines de la Grèce, il conçut le plan du poème de l’Imagination. Ruiné par la Révolution, il s'éloigna de Paris, alla d'abord en Lorraine, puis parcourut la Suisse, l'Allemagne, l'Angleterre, marquant son séjour dans chaque pays par quelque œuvre nouvelle. Il revint en France en 1802, s'y maria, reprit sa chaire au Collége de France, publia plusieurs ouvrages, fruit de son exil, et mourut en 1813, travaillant au poëme de la Vieillesse. Il était depuis plusieurs années affligé d'une cécité complète. On refuse généralement à Delille le génie et l'invention, mais on le met au premier rang pour l'art de la versification et pour le talent descriptif. Outre les Géorgiques (1769), et les Jardins (1782), on a de lui : l’Homme des Champs, 1800; un Dithyrambe sur l'immortalité de l'âme, 1802; la Pitié, 1803; une trad. en vers de l’Énéide, inférieure à celle des Géorgiques; la trad. en vers du Paradis Perdu, de Milton, 1805; l’Imagination, 1806; les trois Règnes de la Nature, 1809, la Conversation, 1812; des Poésies fugitives; une trad. de l’Essai sur l'Homme, de Pope, 1821, posthume. Ses œuvres ont été publiées par Michaud, 1824, 16 vol. in-8, et éditées par Lefèvre, avec notes, 1833, 1 vol. grand in-8. On les a réunies en un seul vol. compacte dans le Panthéon littéraire. Delille porta quelque temps le titre d’abbé parce qu'il possédait l'abbaye de