Page:Bouillet - Chassang - Dictionnaire universel d'histoire-geo - 1878 - P1 - A-G.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alla s'établir à Chalcis en Eubée, où il mourut peu après, en 322, âgé de 62 ans. — Aristote est le génie le plus vaste (de l'antiquité; il a embrassé toutes les sciences connues de son temps et en a même créé plusieurs. Ses écrits, qui forment une sorte d'encyclopédie, posèrent pendant un grand nombre de siècles la borne du savoir humain, et jouirent d'une autorité absolue. La plupart nous sont arrivés, mais quelques-uns mutilés ou altérés. Les principaux sont : l’Organon, composé de différents traités de logique, et ainsi nommé parce que la logique est l'organe ou instrument de toute science; la Rhétorique, la Poétique, deux traités d’Éthique ou de Morale, la Politique, l’Économique, l’Histoire des Animaux, les Parties des Animaux, la Physique, les traités du Ciel, de la Génération et de la Corruption, des Météores, du Monde (regardé comme apocryphe), les Problèmes, le traité de l’Âme, la Métaphysique ou Philosophie première, en 12 livres. Il a aussi laissé quelques poésies. Le mérite d'Aristote en philosophie fut de donner à la science une base plus solide que n'avaient fait ses prédécesseurs, et d'accorder davantage à l'expérience, mais sans méconnaître le rôle de la raison. Il rejeta la doctrine de l'idéal, qu'avait professée Platon, et concentra toute réalité dans les objets individuels. La philosophie est pour lui la science des choses par leurs causes. Selon lui, les points de vue sous lesquels les objets doivent être envisagés, quand on veut les connaître et les expliquer, se réduisent aux suivants : ce dont une chose est composée, sa nature intime ou son essence, sa cause, et le but ou la fin vers laquelle elle tend; d'où la distinction de quatre principes, la matière, la forme, la cause efficiente et la cause finale. En Psychologie, il essaye de classer les facultés de l'âme, et considère l'âme elle-même comme la puissance cachée qui donne la vie et produit l'organisation (il la nomme entéléchie). En Logique, il passe en revue les différentes formes du raisonnement déductif ou syllogisme et en donne un code complet. En Théodicée, il fonde la démonstration de l'existence divine sur la continuité du mouvement, et présente Dieu comme la fin ou le but du monde, comme le centre vers lequel tout tend, auquel tout aspire. Dans l'Art, il ramène le beau à l'imitation de la nature; en Morale, la vertu à l'équilibre entre les passions et au milieu entre les excès; en politique, il assigne pour fin à la société l'utilité. Ses travaux sur l’Histoire naturelle et ses recherches sur l'anatomie comparée sont remarquables par l'exactitude des faits et la profondeur des vues : de l'aveu de Cuvier, ils n'ont pas été surpassés. Les autres parties de sa doctrine sont loin d'être à l'abri de la critique : souvent il eut la prétention mal fondée de tout déduire par le raisonnement d'un petit nombre de principes hasardés et négligea ou méconnut la véritable induction; une partie de sa Logique et de sa Métaphysique roule sur de vaines subtilités; dans sa Théodicée, il ne laisse pas de place à la Providence; dans sa Psychologie, il n'attribue l'immortalité qu'à l’intellect, faculté supérieure et propre à l'homme; dans sa Politique, il approuve l'esclavage; dans sa Physique, où il ramène tout à quatre qualités primordiales, le sec et l’humide, le chaud et le froid, il se borne trop souvent à des explications purement verbales, et par là il a longtemps nui aux progrès de la science. — Les œuvres d'Aristote ne furent rassemblées et publiées dans l'antiquité même que fort tard. Enfouies, dit-on, ou cachées pendant près de deux siècles (V. NÉLÉE DE SCEPSIS), ce n'est que vers le temps de Sylla qu'elles furent réunies par Apellicon de Téos et revisées par Andronicus de Rhodes. Dans les temps modernes, on ne connut pendant longtemps en Occident que 1’Organon; c'est aux Arabes et aux Grecs émigrés de Constantinople qu'on dut la connaissance et la propagation en Europe de ses autres ouvrages. La l° édition complète des écrits d'Aristote fut publiée à Venise par Alde Manuce (1495-98, in-fol.); parmi les éditions postérieures, les plus estimées sont celles : de Sylburge, Francfort, 1585-86, toute grecque; de Guillaume Duval, Paris, 1619 et 1654, in-fol., grec-latin; de Bekker et Brandis, grec-latin, avec un choix de commentaires, publiée au nom de l'Académie de Berlin, Berlin, 1830-1836, 4 vol. in-4, et celle de la Collection Didot, 1848-60. On a en outre donné une foule d'éditions spéciales des ouvrages détachés. La plupart ont été traduits en français; les principales de ces traductions sont : celle de la Morale et de la Politique, par Thurot, Paris, 1823, 2 vol. in-8; de la Rhétorique, par Cassandre, Paris, 1675, par Ch. E. Gros, 1822, et par Bonafous, 1856; de la Poétique, par Dacier, Paris, 1692, par Le Batteur (dans les Quatre Poétiques), 1771, et par M. Egger, 1849; de l’Histoire des animaux, par Camus, 1783; du Traité du monde, par Le Batteux (dans son Traité des causes premières); de la Logique, par Ph. Canaye, sieur de Fresnes, 1589, in-fol.; de la Métaphysique, par MM. Pierron et Zévort, 1841, 2 vol. in-8. M. Barth. St-Hilaire a entrepris une trad. complète d'Aristote, dont une grande partie a déjà paru (Politique, 1837 et 1848; Logique, 1839-44; Traité de l'âme, 1846; Opuscules, 1847; Morale, 1856; Poétique, 1858; Physique et Météorologie, 1863; Traité de la production et de la destruction, 1866, etc.). Parmi les commentateurs d'Ar., nous nommerons, chez les anciens, Ammonius, Alexandre d'Aphrodisie, Themisthius, Simplicius, Olympiodore, Jean Philopon, Boëce; au moyen âge, Alkendi, Averroës, Avicenne, Avenpace, Albert le Grand, S. Thomas. La vie d'Aristote a été écrite chez les anciens par Diogène de Laërte et par Ammonius. On a publié sur, pour et contre sa doctrine une foule d'écrits : Launoy a donné un essai De varia Aristotelis fortuna, 1672, M. A. Jourdain de savantes Recherches sur les trad. latines d'Aristote, 1819, et M. Ravaisson un Essai sur sa Métaphysique, 1837-46, M. Waddington Kastus De la Psychologie d'Aristote, 1848.

ARISTOXÈNE, philosophe et musicien grec, né à Tarente vers 350 av. J.-C., était disciple d'Aristote. Il avait, selon Suidas, composé 453 ouvrages. Il ne reste de lui que des Éléments harmoniques, en 3 livres, publiés par Meibomius, Amst., 1652. et un Fragment sur le Rhythme, trouvé et publié à Venise par Morelli, 1785. Aristoxène n'admettait pour juge en musique que l'oreille et rejetait les calculs mathématiques des Pythagoriciens. G. L. Mahne a écrit : De Aristoxeno, Amst., 1793, et M. Ch. Ruelle : Étude sur Aristoxène, 1857.

ARIUS, fameux hérésiarque, né vers l'an 270 dans la Cyrénaïque, ou, selon d'autres, à Alexandrie, fut ordonné prêtre dans un âge avancé, s'établit à Alexandrie et commença en 312 à y enseigner une doctrine nouvelle, qui se répandit rapidement : il combattait la Trinité, niait la consubstantialité du Verbe avec le Père et par suite sa divinité même, et soutenait que J.-C. est une simple créature tirée du néant, très-inférieure au Père. Il fut successivement combattu par S. Alexandre et par S. Athanase, évêques d'Alexandrie, condamné par plusieurs conciles, notamment par le concile de Nicée en 325, anathématisé et exilé pendant plusieurs années. Mais soutenu par Eusèbe, évêque de Nicomédie, homme de son parti, il se fit absoudre par quelques conciliabules et parvint même à égarer Constantin qui le rappela d'exil. Son retour à Alexandrie ayant excité des troubles, il se retira à Constantinople; il allait, malgré l'opposition de S. Alexandre, devenu patriarche de cette ville, entrer en triomphe dans l'église, lorsqu'il mourut subitement d'une violente colique, l'an 336. Ses partisans prétendirent qu'il avait été empoisonné; ses adversaires virent dans cette mort extraordinaire une punition de Dieu. — Après la mort d'Arius, son hérésie fit de grands progrès : elle fut ouvertement protégée par l'empereur Cons-