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842 GÉOGRAPHIE. — EXPLICATION DES CARTES.


CARTE N° 20. AFRIQUE ET NUMIDIE. — AFRICA ET NUMIDIA. N. B. Le nom d'Africa est pris ici dans sa plus étroite extension. C'est la province romaine d'Afrique, répondant à la Régence de Tunis septentrionale et centrale. La Numidia correspond à peu près à la province de Constantine. Les historiens et géographes anciens qui nous fournissent le plus de documents sont Polybe, avant tous les autres, le viejx géographe Scylax, Diodore, Tite Live, dont le témoignage est médiocre pour cette partie du monde, Justin ou Troque Pompée, dont les récits sont tirés de Timée et de Théopompe, puis Pline l'Ancien, Ptolémée, Pomponius Mels, le Périple de Hannon, etc., les itinéraires, les monuments épigraphiques, recueil des inscript.de l'Algérie par M. Léon Renier, et parmi les modernes, le voyage de M. Guérin, l'ouvrage de Heeren, les Atlas de Kiepert et de Spruner, la carte de M. Nau de Champiouis. Géographie physique ; mers : Mare Sardoùm, Mare Africum, portions de la Méditerranée. Sinus Numidicus (G. de Bougie et de Gigelli); Syrtis Minor (G. de Cabès). Promontoires : Candidum (près de Bizert); Pul- crum ou pr. Apollinis (Ras-Sidi-Ali ou C. Farina) ; pr. Mercurii ou Hermasum pr. (Râs-Addar ou cap Bon). Iles : Calatha (Galita); JEgimurus (El-Dj amour); Cossyra (Pantellaria) ; Lopadasa (Lampedosa); Cer- tifia (Kerkena); Meninx ou Ile des Lotophages ou Gcrba (Gherba ou Djerbi). Montagnes : VAurasius (Djebel Aurès), VAudus, le Hampsarus et le Cirna correspondant aux rami- fications et aux sommets extrêmes de l'Atlas dans la prov. de Constantine et dans la régence de Tunis. Flsuves et Lacs: Rubricatus (Seybouse); Armua (Mazafran); Bagradas (Medjerdab), grossie de YAr- musela (oued Mahalegh); le lac Libya (Schebat- el-Garnis); Pallas Lacus (Sbebath Farradin); le Tritonis (Shebatb-el-Fedjadi) . Ethnographie : Polyhe distingue le 1 - Libyens. Afri- cains, sujets de Carthage, des Numides, simples tributaires. Les premier.';, désignés sous le nom de Libyphéni- ciens, sur la côte, à l'est, étaient mêles aux Cartha- ginois. Les autres sont des indigènes purs. Cette division est excellente. Celle de Diodore, en quatre peuples, ne répond à rien. Polybe distingue parfaitement les deux races aussi tranchées du temps des Carthaginois qu'elle le furent à toutes les époques : 1° les Africains indigènes, Kabyles, Touaregs, Berbers ou Bédouins; 2° les étrangers. Les étrangers de ce temps sont les Phéniciens, auxquels ont succédé les Romains puis, plus tard, les Arabes. Époque carthaginoise. — La belle époque de la domination de Carthage fut du vin e au vi e s., et nous en avons pour garant géographique le pé- riple de Scylax qui nous donne sur toute cette côte, un nombre de villes bien plus considérable qu'à aucune autre époque. En 219, la domination de Carthage s'étendait encore des autels des Philène, aux colonnes d'Her- cule, dit Polybe. Mais il faut ajouter que son empire commercial s'étendait beaucoup au delà à l'ouest, car c'est dans ce même m e s. qu'eut lieu l'expédi- tion colonisatrice de Hannon, qui s'avança certai- nement jusqu'au sud du Sénégal (le fleuve aux crocodiles), et, selon M. Vivien de St-Martin, jusqu'à la côte de Sierra Leone, en laissant partout des comptoirs et en créant des établissements. Le fameux fragment de Polybe, conservé par Pline ■et qui décrit la côte Océanienne de l'Afrique est, avec le périple de Hannon, le monument qui nous fournit le plus de lumières sur l'étendue des rela- tions de Carthage, de ce côté, et il faut ajouter sur l'étendue des connaissances des anciens, car les Phéniciens étaient les seuls éclaireurs de ces con- trées. Or il est facile de reconnaître aussi le Sénégal dans le Bambotus de Polybe , « fleuve rempli de crocodiles et d'hippopotames » Il est dit par le traité de 202, après Zama, que Carthage reste en possession de toutes ses villes d'Afrique. Mais cela ne peut s'entendre que des villes voisines et sans doute d'un bien petit nombre de ses anciennes colonies; non que les Romains voulussent les leur enlever, mais elles-mêmes , assez durement traitées par leur métropole, avaient hàle de profiter de ses malheurs pour se soustraire à son joug. Nous voyons, en effet, que les impôts exigés par Carthage étaient excessifs. Utique, nous le savons, se considérait comme indépendante, et son autonomie, reconnue à peu près, semble ressortir du traité qui fut fait entre Carthage et Philippe III, à la fin du m e s., traité dans lequel elle figure comme puissance très-dis- tincte de Carthage. Enfin Massinissa, que le sénat avait attaché aux flancs de Carthage pour la dévorer peu à peu, lui avait enlevé Y Emporta , cette fertile contrée, comp- tant beaucoup de colonies agricoles et la riche Leptis minor qui payait le tribut d'un talent, par jour, aux Carthaginois. C'est donc d'après ces faits et ces considérations que nous devons borner la domination de Carthage en 140, à la capitale même, aux villes et à la cam- pagne comprises entre Utica et Leptis minor. Les villes importantes comprises dans cet espace sont surtout Hadrumete, Aspis ou Clypea, et, dans l'intérieur des terres, Zama. Ce qui avait contribué à la richesse de Carthage, c'était, tout le monde l'adit, son commerce maritime, si bien étudié par Heeren, mais aussi ses colonies agricoles de l'intérieur que le même savant fait bien connaître également, et ses relations avec l'Afrique centrale, sans doute par la route de caravanes qu'Hé- rodote mentionne et dont nous avons parlé plus haut. Cette route, que nous avons fait partir à Am- monium, à l'E. du Fezzan, avait certainement un embranchement, indiqué par Heeren, vers Leptis la grande, et, par conséquent, vers Carthage. C'est par là que nous devons commencer à traiter ce qui regarde son commerce. Il est certain que les Carthaginois faisaient un grand commerce d'esclaves noirs, cela résulte même des comédies de Térence, et qu'ils tiraient les élé- phants du Soudan. M. Armandi, dans son ouvrage sur les éléphants, a dit qu'autrefois la Numidie et la Maurétanie en fournissaient, et il s'est appuyé sur les textes de Pline, de Frontin et d'Isidore de Séville , qui semblent explicites ; car Pline dit qu'on trouvait des éléphants « in Mauretania 1 saltibus » et ailleurs: « Ipsa provincia, ab oriente montuosa, fert elephantos. » Frontin dit, en parlant de ces animaux : « Quibus ferax est Numidia. » Enfin Isidore de Séville s'exprime ainsi : « olim etiam et elephantis plena fuit quos sola nunc India parturit : » passage bien intéressant et qui prouve, suivant nous, qu'au v e s. de notre ère, la route du Soudan était perdue comme presque tous les secrets des Phéniciens qui étaient les hommes du monde les moins communicatifs, parce qu'ils avaient com- pris que, leur commerce vivant de transit et de commission, il fallait éviter la concurrence et ne rien découvrir aux autres peuples des sources de