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MYTHOLOGIE INDOUE


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Malgré les fables qui ont altéré la pureté de leurs croyances primitives, les Indous ont conservé la notion d'un Dieu unique, invisible, immense, ayant existé de toute éternité, infiniment bon, infiniment parfait ; ils lui donnent les noms de Brahm et de Bagavan ; sa puissance se manifeste par la création, la conservation et la destruction des créatures ; source divine, c'est de lui que vient le monde, c'est en lui qu'il retournera. Brahm est l'éternel, l'être par excellence, se révélant dans la félicité et dans la joie ; le monde est son image ; tous les phénomènes de la nature ont leur cause dans Brahm ; pour lui, il n'est limité ni par le temps ni par l'espace ; il est impérissable ; il est l'âme du monde, l'âme de chaque être en particulier. Mais, au milieu de ces croyances si élevées et si pures, les Indous mêlent les erreurs les plus grossières. Voici leurs fables les plus répandues et leurs principales divinités. Brahm ayant créé la déesse Bhavani, celle-ci, de son côté, donna le jour à trois dieux dont la naissance est ainsi racontée. Bhavani, heureuse de se sentir exister, se livra devant Brahm aux transports de la joie la plus immodérée. Pendant qu'elle dansait, elle sentit s'échapper de son sein trois œufs : du premier sortit Brahma, créateur du ciel et de la terre ; du second, Vichnou, conservateur de la création ; et du troisième, Civa, destructeur des êtres créés. C'est là ce que l'on appelle la Trimourtti ou Trinité indoue.

Brahma. — Après avoir contemplé, pendant des myriades d'années, la surface des ondes couvertes de ténèbres, Brahma fut tiré de sa léthargie par une voix mystérieuse, implora Brahm, qui lui apparut, et lui fit voir tous les mondes en germe dans son être. Ayant reçu de lui la faculté de les tirer du chaos, Brahma commença l'œuvre de la création. Il forma d'abord les sept sphères étoilées, éclairées par les génies lumineux ; d'une des coquilles de l'œuf d'or d'où il est sorti, il forma le ciel, et de l'autre la terre ; puis il créa le soleil et la lune, et enfin les enfers, qu'éclairent huit escarboucles posées sur la tête de huit serpents. L'attention de Brahma se porta ensuite sur les êtres qui devaient peupler l'immensité ; il créa, dans ce but, dix esprits célestes qui donnèrent le jour aux Manous, aux Vasous, aux Richis, aux Grandharvas, etc. ; il s'unit ensuite à sa sœur Saraswati, qui le rendit père des Dévas, génies bienfaisants, et des Daetyas, génies malfaisants ; puis il créa les astres, les plantes, les animaux. Cependant la terre était préparée pour recevoir le genre humain. Alors Brahma fit sortir de sa bouche un homme qu'il nomma Brahman, et lui fit don des quatre livres sacrés ou Védas, dépôt de la vérité, fondement de la religion et de la législation indiennes. De Brahman naquirent les Brahmes, destinés à propager sur la terre la religion de Brahma ; de son bras droit le créateur fit sortir ensuite Kchatriya, qui fut la tige de la seconde caste, ou caste guerrière, la seule qui pût régner ou rendre la justice ; elle eut pour mission de défendre les Brahmes ; de sa cuisse droite naquit un troisième homme, Wecya, qui fut le père des commerçants et des laboureurs, dont la mission est de nourrir les prêtres et les guerriers ; de son pied droit il fit sortir un quatrième homme, Soudra, qui dut être le père des artisans et des esclaves destinés à travailler pour les trois autres castes. Une classe distincte de ces quatre castes est celle des Parias, composée du rebut de la société ; elle est universellement méprisée et détestée ; sur elle se sont réunies toutes les misères et tous les opprobres : aussi l'horreur qu'elle inspire la sépare-t-elle à jamais des descendants de Brahma. Un orgueil immense s'empara de ce dieu lorsqu'après avoir créé le monde, il l'eut organisé ; il se livra alors à tant de violences, à tant d'attentats, qu'en punition de ses crimes, Brahm, le dieu suprême, contre lequel il s'était révolté, le fit précipiter du haut des sphères étoilées dans l'abîme sans fond. Avant qu'il lui fût promis de reprendre sa place dans le séjour des dieux auprès de ses frères Vichnou et Civa, Brahma fut obligé de passer par quatre incarnations terrestres ou avatars, pendant quatre âges différents. Il prit d'abord la forme du corbeau-poëte, sous laquelle il vécut trois âges et devint le plus grand des prophètes ; se montra ensuite sous les traits d'un paria du nom de Valmiki, d'abord brigand redoutable, puis pénitent renommé, il commenta les Védas rédigés par lui avant sa chute, puis il composa le grand poëme épique appelé Ramâyana. A une autre époque, il parait sous le nom de Viaça, poëte célèbre, à qui l'on doit plusieurs des grandes épopées de l'Inde. C'est encore Brahma qui, dans le siècle de fer ou siècle noir, et sous le nom de Kalidaça, vient doter l'Inde de beaux poèmes dramatiques. C'est là sa quatrième et dernière transformation. On représente Brahma avec quatre têtes et tenant dans ses quatre mains, la chaîne qui soutient les mondes, les Védas, le style à écrire et le feu des sacrifices ; le cygne-aigle Hamsa le porte sur son dos. Hamsa sert aussi de monture à Saraswati, sœur et épouse de Brahma. On représente celle-ci habillée de blanc, assise sur une feuille de lotus et jouant du luth indien.

Vichnou. — Les métamorphoses de Vichnou sont très-nombreuses ; mais on cite principalement les dix suivantes. La mission de Vichnou, divinité douce et bienfaisante, étant de protéger le monde, on le voit, dans chacun de ses avatars, venir au secours de la terre menacée de quelque péril imminent ou de quelque catastrophe. Un géant du nom Haïagriva s'était emparé des Védas et les avait emportés. La terre, privée de cette source de lumière et de vérité, était menacée de tomber dans la barbarie. Vichnou accourt, se met à la poursuite du ravisseur ; longtemps il le cherche sans pouvoir le rencontrer ; enfin il le découvre au fond de la mer où il a caché son trésor. Vichnou prend alors la forme d'un poisson, pénètre dans la retraite du géant, le tue, et rend aux mortels leurs livres sacrés. Les mauvais génies, toujours en lutte contre les dieux, voulurent un jour s'emparer d'un breuvage que ceux-ci avaient inventé et qui donnait l'immortalité ; ils leur déclarèrent la guerre. Les combats qui se livrèrent à cette occasion furent terribles, et l'on vit tomber dans la mer le mont Mérou, séjour habituel des dieux. A la suite de ces luttes gigantesques,


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