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stone[1]. Mais si le privilège favorise parfois ainsi le développement précoce du bon grain, il sauve aussi, fatalement, le grain taré. Il aide les divers éléments de la race, si dégradés qu’ils soient, à faire souche à leur tour ; par les mariages consanguins, leurs tares sont, non seulement conservées, mais multipliées : et de là suit la dégénérescence progressive de la race entière. Les avantages sociaux que la noblesse assure à ses enfants suffiraient, en ce sens, à expliquer son universelle dégradation physique.

Les anthroposociologues auraient donc tort de croire que les qualités supérieures des élites se seraient conservées et concentrées de génération en génération, si les élites avaient su ne pas se mêler aux masses. Ils regretteront en vain la disparition des noblesses exclusives et jalouses. Les faits prouvent qu’une race qui se replie en quelque sorte sur elle-même se condamne à mort. Si elle ne veut pas descendre dans la tombe, il faut qu’elle consente à descendre sur la terre : pour échapper à l’anéantissement, il faut qu’elle tende la main à des races plus jeunes. Le croisement est donc une nécessité vitale. En travaillant à mêler les classes, la démocratie obéit — bien loin qu’elle le contrarie — au vœu de la nature.


  1. Cf. Taine, Notes sur l’Angleterre, p. 218. — Ribot, L’Hérédité, p. 526 (Paris, F. Alcan).