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On pourra pousser cette recherche de deux côtés différents : suivant qu’on envisagera les fonctions de la noblesse ou ses privilèges, ses charges ou ses loisirs, son activité ou son inertie, on verra apparaître différentes causes possibles de sa décadence.

L’aristocratie, avons-nous dit, exerce les fonctions sociales supérieures. Elle crée, conserve, propage la civilisation. C’est dire que sa dépense intellectuelle, par suite sa dépense cérébrale et nerveuse est plus grande que celle de la moyenne. Dès lors son appauvrissement biologique ne s’explique-t-il pas comme le corollaire d’une loi connue ? C’est la loi établie par Carey et Spencer, et en vertu de laquelle les individus les plus parfaits deviennent aussi les moins féconds. « L’évolution individuelle est en antagonisme avec la dissolution procréatrice. Soit à cause du développement plus considérable des organes qui concourent à la conservation de l’individu, soit à raison de leur plus grande complexité de structure, soit parce que leur activité est accrue, la quantité de matériaux qu’ils exigent et qu’ils absorbent diminue d’autant la réserve des matériaux destinés à perpétuer la race. » Ne voit-on pas qu’à mesure qu’on s’élève dans l’échelle animale, en passant des êtres les plus amorphes aux mieux organisés, et des plus inconscients aux plus intelligents, la fécondité des espèces diminue ? On a calculé qu’un petit infusoire remplirait en un mois le soleil de sa postérité. Les petits de l’éléphant au contraire sont peu nombreux. Ainsi, dans l’espèce humaine, les plus intelligents seront aussi les moins prolifiques. Il semble que la nature jalouse n’affine les races que pour les condamner à mort.

Cette théorie a joui d’une certaine faveur. Elle paraît avoir pour elle la logique : si la fonction intellectuelle use toutes les réserves de la force nerveuse, n’est-il pas logique que ces réserves fassent défaut à la fonction sexuelle ? — Elle s’accorde