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du moyen âge des observations plus précises : elles manifestent des résultats analogues.

À Augsbourg, en 1368, on comptait 51 familles de sénateurs. Il n’en reste que 8 en 1538. À Nuremberg 118 familles en 1390 constituent le patriciat : cent ans après 63 d’entre elles ont disparu. À Mulhouse, en 1552, on dresse un nouveau livre des citoyens, et l’on constate que sur 629 connues, 152 seulement se retrouvent, c’est-à-dire seulement 25 pour 100. À Lindau, de 306 familles de patriciens il n’en reste que 4. À Lubeck, en 1848, on sonna les cloches, en l’honneur du dernier rejeton des races patriciennes de la ville, qui venait de mourir comme Vereinsdiener[1]. Ainsi, antiques ou modernes, municipales ou féodales, les aristocraties semblent bien soumises à la même loi fatale d’extinction. Comment expliquer ce phénomène ?

Benoîton de Châteauneuf en rendait responsables les causes de destruction auxquelles, plus que toute autre classe, la noblesse se trouve exposée ; par exemple les guerres et les duels. Certaines guerres, comme la guerre des Deux-Roses, sont fameuses pour avoir décimé l’aristocratie, et l’on sait quels ravages, au temps de Richelieu, la mode du duel faisait dans la noblesse. Cette cause est-elle cependant assez générale pour expliquer le phénomène en question ? Il faut bien remarquer, avec Littré, que si la noblesse était plus exposée que les autres classes à certains périls de mort, elle était aussi mieux garantie contre certains autres. Il lui était toujours relativement facile de trouver bon gîte et bonne chère ; elle souffrait moins des famines et des épidémies qui désolaient le moyen âge. D’autre part, comme les familles nobles en général, les dynasties royales s’éteignent. Or bien peu, parmi les membres de ces dynasties, sont morts sur les champs de bataille. Enfin la noblesse municipale ne dispa-

  1. Hansen, op. cit., p. 175-179.