les siècles ; nous constaterons que leur moindre défaut est de ne pas durer. Au bout de peu de temps elles dégénèrent et progressivement s’éteignent.
Rien qu’à voir leurs représentants, on a parfois l’impression de cette dégénérescence. Pope faisait remarquer à Spencer que les nobles anglais n’avaient pas du tout le grand air qu’ils devraient avoir. Quand on annonce un grand d’Espagne, attendez, disait-on en Espagne, un avorton. Le marquis de Mirabeau, qui avait, lui, une belle santé, traitait les nobles de son temps de pygmées, « plantes sèches et mal nourries[1] ». Mais ce ne sont là que des impressions. Peuvent-elles être confirmées par des renseignements objectifs ?
Les Spartiates étaient 9 000 au temps de Lycurgue ; en 480 on n’en trouve plus que 8 000, 6 000 en 420, 2 000 en 371, 1 000 au temps d’Aristote, et 700 en 230 dont 100 seulement pouvaient prendre place aux tables communes. À Athènes, après Chéronée, on éleva au rang d’eupatrides, d’un seul coup, 20 000 métèques et esclaves. À Rome, pour ramener le Sénat au chiffre constitutionnel de 300 membres, il fallut y faire entrer 177 plébéiens. Les aristocraties de l’antiquité ont donc incontestablement souffert de l’oliganthropie[2] ; en est-il de même des nôtres ?
Benoîton de Châteauneuf, dans un mémoire fameux sur la durée des familles nobles en France[3], remarque que cette durée ne dépasse pas 300 ans en moyenne. En Angleterre, sur 500 familles de la plus ancienne noblesse, il n’y en a que 5 aujourd’hui qui puissent remonter en ligne directe, par les hommes, jusqu’au xve siècle[4]. On a pu faire sur la noblesse municipale, sur les familles patriciennes des villes