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nobles se croisent avec les gueux. » Rien n’était mieux fondé en raison que cet instinct séparatiste, que cet orgueil du sang bleu : voilà ce que la « science » d’aujourd’hui nous démontre. En mesurant les crânes et les tailles, en comparant les couleurs des yeux et des cheveux, elle manifeste que « les luttes de classes sont vraiment des luttes de races », elle prouve que les classes se distinguent, non seulement par l’éducation mais encore « par des caractères de race qui peuvent partiellement être mesurés, par des caractères somatologiques immuables la vie durant[1] ». Elle apporte en un mot une apologie de la noblesse fondée, non plus seulement sur des motifs psychologiques, mais sur des lois biologiques.

Et en effet si les classes correspondent vraiment à des races distinctes, qu’est-ce à dire sinon que le mélange des classes aboutit à un métissage véritable ? et que la société dont les classes se mêleront ne sera plus composée que de ces races métisses ? — Or la science naturelle n’a-t-elle pas prouvé que les races métisses sont forcément dégradées, aussi bien moralement que physiquement ? Elles sont le rebut de la nature ; elles seront la plaie de la civilisation.

Tout croisement, dit le prophète de l’anthroposociologie, le comte de Gobineau, est en lui-même une cause de dégradation : « la race supérieure, lorsqu’elle s’unit à la race inférieure, s’abaisse sans l’élever. » Si les croisements auxquels les sociétés ont déjà consenti se multiplient, si la confusion des sangs devient complète, alors « les nations, non, les troupeaux humains accablés sous une morne somnolence, vivront engloutis dans leur nullité, comme des buffles ruminants dans les flaques stagnantes des Marais Pontins. » « Chez les métis, dit Otto Ammon[2], se combinent les qualités discor-

  1. Ammon, L’Ordre social, p. 199
  2. Loc. cit., p. 188.