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fourni 41 pour 100 des savants en question, tandis que la classe moyenne en fournissait 52 pour 100 et la classe ouvrière 7 pour 100. Notez que dans l’établissement de ce tant pour cent, il n’est tenu compte que du nombre des savants élus, et nullement du nombre total des individus qui composent les classes d’où ces savants sont sortis ; si l’on prenait ce nombre en considération, on verrait — étant donné que la classe noble est infiniment moins nombreuse que les autres, — grossir démesurément la part de la noblesse. M. Odin a fait ce calcul[1]. Ses recherches ont porté sur 6 382 gens de lettres, nés en France depuis le xiiie siècle. Il arrive à cette conclusion que la noblesse a produit relativement « 23 fois plus de gens de lettres de talent que la bourgeoisie, et 200 fois plus que le prolétariat, ce dernier chiffre n’étant encore qu’un minimum ».

Comment s’expliquer cette étonnante concentration des talents dans une certaine classe, sinon par ce fait que les éléments eugéniques, au lieu de se diluer et de se dissoudre dans la mer de la démocratie, se sont concentrés en effet, et comme condensés dans les lacs fermés de l’aristocratie ?

II

C’est sur ce fait d’ordre biologique que l’anthroposociologie attire notre attention. Que les privilèges de l’aristocratie se justifient, que son prestige s’explique par la pureté de son sang, c’est de cela qu’elle prétend nous apporter des preuves scientifiques. Théognis disait déjà : « D’un oignon on ne voit sortir ni rose ni hyacinthe ; ainsi point d’enfant noble d’une femme esclave… Il n’est pas étonnant, disait-il encore, que la belle race des citoyens dégénère, quand les

  1. Genèse, I, p. 541.