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ples. D’après Gobineau[1] on peut constater, en suivant l’histoire des sociétés égyptienne, assyrienne et hindoue, « qu’elles se perpétuent dans la mesure où se maintient le principe blanc qui fait également leur base ». La décadence de la Grèce ne coïncide-t-elle pas, de même, avec la disparition des représentants du pur type hellène ? D’après Otto Seeck, si le monde antique a été si facilement submergé par le flot de la barbarie, c’est qu’elles avaient été décimées par les guerres, ou dépravées par les mélanges, les races nobles qui avaient fait sa grandeur. Les historiens expliquent ordinairement le déclin des empires par l’ébranlement des institutions, la corruption des mœurs, le désordre des idées, mais tous ces phénomènes sont des symptômes bien plutôt que des causes : ils sont les symptômes d’un mal plus profond et véritablement organique : la disparition des noblesses[2].

Opposera-t-on à cette thèse les grandes inventions — religieuses ou esthétiques, scientifiques ou industrielles — qui sont dues à des hommes d’extractions basses ? Rappellera-t-on Palissy et Faraday, ou Luther et Rousseau ? Il est vrai qu’on voit ainsi, parfois, des idées de génie monter des bas-fonds de la société. Mais sachons bien que si nous sommes si frappés de ces ascensions, c’est précisément parce qu’elles sont inattendues. Elles restent en somme exceptionnelles. À envisager les grands nombres, on s’apercevrait sans nul doute que, dans l’œuvre civilisatrice, la part des classes nobles est hors de proportion avec la part des autres classes. De Candolle a recherché l’origine de 90 correspondants étrangers de notre Académie des sciences, au xixe siècle[3]. Le cas n’est pas favorable à notre thèse, puisque la recherche porte sur un temps où les privilèges des classes supérieures étaient déjà battus en brèche. Or les chiffres montrent que ces classes ont

  1. Essai, I, p. 401.
  2. V. Otto Seeck, Untergang. Reibmayr, Inzucht.
  3. Op. cit., p. 82, 88.