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homme tient aux habitudes que lui-même aura contractées, bien plutôt qu’aux habitudes contractées par ses ancêtres. C’est dire que vraisemblablement les pressions du milieu pèsent, dans la détermination des vocations, plus lourd que les acquisitions de la race. Les causes actuelles l’emportent sans doute ici sur les « survivances ataviques », et toutes les instigations de la vie sur « la voix des morts ». La biologie contemporaine n’a pas projeté encore, sur les processus de l’hérédité, toute la lumière désirable ; une conclusion se dégage pourtant de ses recherches : dans l’état actuel de la science, rien n’est moins « scientifique » que la doctrine des prédestinations professionnelles.

III

Les tendances générales de la nature, telles qu’elles se dégagent aujourd’hui des recherches biologiques, rendent donc invraisemblable la transmission des qualités professionnelles. Mais, dira-t-on peut-être, cette réfutation a priori, par la vraisemblance, ne suffit pas à nous convaincre. Observons directement le monde humain lui-même. N’y relève-t-on pas des « suites » de qualités professionnelles, se perpétuant au sein des mêmes familles, et de véritables « dynasties » de talents, qui prouvent — qu’elle vous paraisse vraisemblable ou non, — la vérité de notre thèse ?

On connaît le résultat des enquêtes de Gallon, de De Candolle ou d’Odin[1] sur l’ascendance et la descendance des hommes célèbres.

300 familles de juges, d’hommes d’État, de grands capitaines, de littérateurs et de savants étudiées par Galton ont

  1. Nous empruntons les faits qui suivent aux ouvrages de ces trois auteurs cités dans la note bibliographique du livre I. Cf. aussi l’ouvrage anonyme intitulé Volksdienst.