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Et, en sens inverse, combien d’observations rendent cette transmission invraisemblable ! Comment se fait-il, si elle s’opère, que malgré des déformations répétées pendant tant de siècles, les petites Chinoises ne montrent pas dès leur naissance des pieds raccourcis, ni les petits Toulousains des crânes allongés ? Chose plus frappante encore[1] : depuis les origines de l’espèce humaine l’hymen des vierges a été régulièrement détruit à chaque génération ; il ne s’est pas atrophié cependant. Les expérimentations systématiques auxquelles on peut soumettre les animaux ne provoquent nullement, d’ailleurs, la réapparition de cas analogues à ceux que l’on citait. Weismann a pu couper la queue aux deux sexes de 22 générations de souris, qui donnèrent 1 592 rejetons ; pas un seul ne naquit avec une queue diminuée[2]. Nægeli, pratiquant pour des végétaux une expérience analogue, a transplanté dans le jardin botanique de Munich 2 500 variétés de plantes de montagnes bien caractérisées, qu’il a observées pendant treize ans ; dès la première année elles reprenaient les caractères des plantes de plaines.

Des faits de ce genre rendent la thèse lamarckienne d’autant plus suspecte que tous ceux qui paraissent au premier abord la confirmer se prêtent en dernière analyse à une interprétation darwinienne. Il est vrai, par exemple, que nos races d’animaux domestiques semblent devenir de plus en plus sociables. Mais le fait prouve-t-il vraiment l’influence héréditaire du dressage ? Ne s’explique-t-il pas aussi simplement par les choix spontanés qu’a dû opérer l’homme, laissant périr ou détruisant les spécimens qui naissaient intraitables ? Le progrès du cheval, de course en un siècle a été si remarquable que Cope y voit la démonstration péremptoire de l’influence héréditaire de l’entraînement. Mais en réalité,

  1. Delage, Struct. du protopl., p. 361.
  2. V. Weismann, Vorträge, II, p. 73.