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culture de cet art, comment tout cela pourrait-il se transmettre à l’ovule ou au spermatozoïde où il n’y a ni muscle, ni œil, ni queue, ni cerveau ? À supposer même qu’il y ait dans l’élément sexuel des rudiments distincts de tous ces organes, comment et par quelle voie la modification de l’organe du corps pourrait-elle influencer son rudiment germinal[1] » ? Ce sont ces difficultés théoriques qui éveillèrent la critique de Weismann et l’amenèrent à contester hardiment les faits que l’opinion générale tenait pour définitivement acquis.

Il semblait en effet qu’on eût vu se lever, en faveur du lamarckisme, les preuves expérimentales les plus frappantes. Ne montrait-on pas des portées de chats ou de chiens qui naissaient, de mères dont la queue avait été écourtée, pourvus tous d’une queue plus courte ? De même ne signalait-on pas des fils qui portaient, disait-on, dans les malformations congénitales de leurs yeux ou de leurs oreilles, la trace des traumatismes survenus aux yeux ou aux oreilles de leurs parents[2] ? — Mais, lorsqu’il fallut relever le défi des néo-darwiniens, on s’aperçut, non sans étonnement, que la plupart des observations ainsi vulgarisées étaient controuvées, ou insignifiantes ; qu’il était très difficile de les préciser, et très facile de les interpréter sans recours à l’hypothèse lamarckienne. Pflüger pouvait écrire[3] : « J’ai pris une complète connaissance de tous les faits qui sont invoqués pour démontrer l’hérédité des caractères acquis, — c’est-à-dire des caractères ne dépendant pas d’une organisation particulière de l’œuf et de la liqueur séminale qui forment l’individu, mais résultant des influences extérieures accidentelles qui s’exercent plus tard sur l’organisme : pas un seul de ces faits ne démontre la transmission des caractères acquis. »

  1. V. Delage, op. cit., p. 202.
  2. V. Vorträge, II, p. 74.
  3. V. Costantin, op. cit., p. 37 sqq.