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dans son effort pour anéantir tout ce qui survit du régime des castes, prend le contre-pied des lois du progrès naturel.

Tous ces raisonnements impliquent, on le voit, la solidité des principes posés par Lamarck. Il importe donc de se demander si leur solidité est en effet à toute épreuve, et si les mouvements récents des sciences naturelles ont passé sur eux sans les ébranler. Il arrive assez fréquemment, pendant que la philosophie politique édifie ses palais sur une théorie scientifique, que la science mieux informée bouleverse de fond en comble cette théorie elle-même. Il y a des astres dont la lumière arrive aujourd’hui seulement à la terre, qui depuis longtemps sont éteints. Ainsi de certaines « vérités » éteintes, et pourtant toujours brillantes. Ne serait-ce pas le cas du lamarckisme ?

I

Nous avons indiqué en quel sens les découvertes de Darwin complètent celles de Lamarck, et rappelé la convergence des deux conceptions maîtresses du transformisme. Elles ne sont nullement, a priori, exclusives l’une de l’autre. Toutefois en fait, ne les a-t-on pas vues entrer en lutte, et la dernière venue ronger le domaine naguère reconnu à la première ? La transformation des espèces s’explique, disaient les lamarckiens, par les habitudes individuelles acquises durant la vie et transmises par l’hérédité. Elle s’explique et s’explique seulement, diront les darwiniens, par les variations individuelles données dès la naissance et triées par la sélection. Le duel de ces deux thèses remplit l’histoire de la biologie contemporaine[1].

  1. V. l’exposé des thèses que les deux écoles opposent dans Le Dantec, Les Théories néo-lamarckiennes (Revue philos., 1897). Haycraft. Natürl. auslese, p. 23.