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comme s’il s’agissait d’un être particulier, ne doit être à nos yeux que l’ensemble d’objets qui comprend : 1o tous les corps physiques qui existent ; 2o les lois générales et particulières qui régissent les changements d’état et de situation que ces corps peuvent éprouver ; 3o enfin le mouvement diversement répandu parmi eux, perpétuellement entretenu ou renaissant dans sa source, infiniment varié dans ses produits et d’où résulte l’ordre admirable des choses que cet ensemble nous présente.  » En trois mots, de la matière, du mouvement, des lois, voilà toute la nature, et l’ordre admirable de l’ensemble n’est que le résultat du mouvement des parties. Cet ordre nous apparaît comme une conséquence, mais non plus comme une fin. Il n’explique plus, il est expliqué au contraire. Nous comprenons par quel mécanisme il est atteint : nous n’avons donc plus besoin de croire qu’une volonté l’a visé. La théorie de la descendance tend donc nettement à éliminer le finalisme anthropomorphique que la théorie de la différenciation laissait subsister.

La théorie propre à Darwin, celle de la sélection naturelle, rendra plus complète encore et plus cohérente la conception mécaniste de la nature.

Comment donc Darwin est-il arrivé à cette théorie ?

C’est l’observation de la technique humaine qui l’a guidé d’abord. C’est en considérant les procédés employés par l’homme à l’égard des plantes cultivées ou des animaux domestiques qu’il a été amené à deviner les procédés employés par la nature pour la formation progressive de toutes les espèces. Weismann en fait la remarque[1] : les naturalistes avaient longtemps dédaigné ce champ d’obser-

  1. Vorträge über Descendenztheorie, I, p. 36.