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supérieurs sortent en effet des inférieurs, qu’ils les continuent en les dépassant, qu’ils n’en sont en un mot que la transformation et le perfectionnement ? C’est ce pas que Lamarck nous fait franchir.

Mais, avant de franchir ce pas, dirons-nous, encore faut-il que nous ayons constaté qu’en fait les organismes se transforment ? Jetez seulement les yeux autour de vous, répond Lamarck[1]. Vos animaux domestiques, vos plantes cultivées vous offrent cent exemples de variations. Votre froment, vos choux, vos laitues ne sont-ils pas autant de créations nouvelles ? Le canard domestique n’a-t-il pas perdu le haut vol de son frère le canard sauvage ? Rendez-vous donc compte que ce qui se passe autour de vous, dans vos basses-cours et vos jardins, se passe loin de vous dans les montagnes et dans les plaines, sur toute l’étendue de la nature sauvage. Là vous verrez, sous la pression des milieux différents, les êtres se transformer, et leurs transformations engendrées dans l’individu par l’habitude se fixer dans l’espèce par l’hérédité.

« Dans tout animal qui n’a pas dépassé le terme de ses développements, l’emploi plus fréquent et soutenu d’un organe quelconque, fortifie peu à peu cet organe, le développe, l’agrandit et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi : tandis que le défaut constant d’un tel organe l’affaiblit insensiblement, le détériore, diminue progressivement ses facultés, finit par le faire disparaître[2]. » Ainsi par le défaut d’usage, les dents ont disparu chez les baleines et chez les oiseaux. Inversement par l’usage constant, les pattes des oiseaux aquatiques sont devenues palmées. « L’oiseau que le besoin attire sur l’eau pour chercher sa proie s’écarte les doigts du pied lorsqu’il veut frapper l’eau et se mouvoir à sa surface. La peau qui

  1. I, p. 267, 227.
  2. I, p. 235.