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Et ainsi aboutissons-nous, en suivant notre dernière série d’arguments, à une conclusion qui semble faite pour mécontenter, en même temps que certains adversaires, certains défenseurs de la démocratie. Contre les premiers nous avons établi que la science ne démontre nullement le mal fondé des aspirations égalitaires. Mais du même coup nous avons établi qu’elle est aussi inapte, en définitive, à en démontrer le bien fondé. Par où nous semblons couper tout espoir à ceux qui voudraient prouver scientifiquement que la démocratie a raison, aussi bien qu’à ceux qui prétendent prouver scientifiquement qu’elle a tort. Nous renvoyons les plaideurs dos à dos. Ils s’exagéraient, les uns et les autres, la compétence du tribunal.

III

Il va sans dire que cette déclaration d’incompétence ne vaut, strictement, que contre la forme de morale scientifique dont nous venons d’éprouver la méthode et de peser les résultats. Il nous a semblé que par la force des choses, étant donné l’ordre même selon lequel s’étaient déroulés les essais des différents types de morales et les progrès des différentes catégories de sciences, le prestige scientifique planait de préférence, à notre époque, sur la morale naturaliste. De la confiance généralement accordée aux sciences naturelles pour la direction de la vie sociale, il nous a été facile de relever, dans la littérature des partis, des témoignages significatifs. Nous avons donc discuté pied à pied les différentes thèses auxquelles cette sociologie fournit des armes, qui prétend lire, dans l’évolution des organismes, la destinée des sociétés. C’est après toutes ces rencontres, prolongées sur tous les terrains, que nous croyons pouvoir conclure que la plupart des traits ainsi lancés contre les sociétés démocratiques ne portent pas, et qu’il n’appartenait nullement, en dernière