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DEUXIÈME PARTIE

LES TROIS PILIERS DU NATURALISME CONTEMPORAIN

Nous avons vu comment, devant le discrédit de nos disciplines traditionnelles, beaucoup semblent en revenir à la formule morale, si longtemps abandonnée, de l’antiquité, et rappellent aux sociétés qu’il faut avant tout « vivre conformément à la nature ». Mais nous avons noté aussi l’ambition propre de ce naturalisme moderne. Il n’entend plus tolérer que quelque nouveau système métaphysique se glisse dans le corps de la nature, comme naguère le prêtre dans le corps de la statue, pour lui faire rendre des oracles. Il s’abstient par principe de toute projection de la conscience : il élimine méthodiquement tout ce qui pourrait rappeler de près ou de loin les procédés de l’anthropomorphisme : il prétend enfin laisser parler la science elle-même.

Quelle est donc la conception de la nature vers laquelle nous achemine le progrès des sciences biologiques ? Quelles sont les « lois » qu’il dresse devant nous ?

On peut en distinguer trois principales, — la loi de la différenciation, celle de l’hérédité, celle de la concurrence. À la première se rattache le nom de Milne-Edwards ; à la deuxième celui de Lamarck ; à la troisième celui de Darwin ; nous allons brièvement rappeler, en remontant à leurs écrits,