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noncer l’utopie de l’égalitarisme. Et cette condamnation, que vous n’auriez acceptée ni de la bouche des théologiens, ni de celle des philosophes, vous êtes bien forcés d’y souscrire aujourd’hui. Car c’est justement celle en qui vous avez placé toute votre confiance, et de qui vous attendez le critère définitif du bien et du mal, c’est votre science elle-même qui la prononce sans recours.

C’est cette thèse générale, destinée à retourner « la science contre la démocratie » que nous nous proposons d’examiner, sous les diverses formes qu’elle peut revêtir.

Les philosophes de profession estimeront peut-être qu’il suffirait, pour la réfuter, de quelque distinction critique, — comme par exemple la distinction entre le fait et le droit, entre le réel et l’idéal — et qu’ainsi, grâce à une sorte de fin de non-recevoir préalable, le terrain serait plus vite déblayé. Mais nous croyons qu’en pareille matière une méthode plus patiente doit être aussi plus décisive. Puisque les adversaires de la démocratie cherchent à en imposer en citant des faits, en invoquant des théories scientifiques, ne craignons pas de soupeser un à un ces faits ni de rappeler ces théories à la barre. Consentons, en un mot, à la suite de la sociologie naturaliste, à « faire le grand tour » à travers la nature et la société. Ce sera sans doute le meilleur moyen d’éclairer définitivement l’opinion sur l’antagonisme qu’on lui représente chaque jour ; nous y trouverons en tous cas, chemin faisant, l’occasion de dresser quelques bilans, de dissiper quelques équivoques, d’enrichir enfin et de préciser nos idées sur la science naturelle et ses rapports avec notre morale.