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vera-t-elle à domestiquer la guerre au profit de la solidarité, et organisera-t-elle enfin des mécanismes tels que les supériorités deviennent, comme l’espérait Condorcet[1], des avantages pour ceux mêmes qui ne les partagent pas, « existent pour eux et non contre eux ? » Cela dépend sans doute de l’extension que les hommes donneront à leurs pouvoirs et à leurs devoirs, des progrès de leur science et de leur conscience. La seule chose qu’il nous importe à présent de retenir, c’est qu’en poursuivant cet effort, les sociétés démocratiques ne font rien qu’on puisse condamner a priori au nom des lois de la nature. Elles ne font que continuer l’œuvre instituée par les sociétés, du moment où elles sont nées, pour limiter les effets de la nature animale, conformément aux facultés et aux tendances propres de la nature humaine.

Cette rapide revue des conséquences qui découlent naturellement des moyens et des mobiles d’action spéciaux à l’humanité nous l’a rappelé en effet : en émergeant dans le milieu humain, la loi de la lutte pour l’existence déclanche des forces nouvelles, qui ne peuvent manquer de réagir sur ses formes antérieures. C’est ainsi que la présence des instruments de toutes sortes que la société prête aux individus, limite et même, sur certains points, contrarie directement l’opération sélective de la nature : tandis que la présence des fins diverses que la société suggère ou impose aux individus, d’une part avive, d’autre part règle les efforts des concurrents, de manière à atténuer leur conflit.

C’est sur l’opportunité de ces différents effets que portent aujourd’hui les discussions : les uns pensent que la civilisa-

  1. Cité par Richard, Social. et sc. soc., Conclusion.