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frayer[1]. Bien plus, c’est pendant la cour et c’est devant les femelles que les animaux déploient eux-mêmes leurs grâces[2]. C’est alors que se multiplient les jeux de toutes sortes, le chant et la mimique, les courses de faucons, les danses des colaptes, les bals des oiseaux du Paradis, destinés à faire valoir les qualités capables de charmer les femelles. On dirait de véritables concours, où l’amour doit être le prix de la beauté.

Et sans doute il est malaisé de deviner « à quoi rêvent » alors les femelles, et quelles impressions correspondent chez elles aux mouvements du mâle. Il est vraisemblable que M. Espinas exagère lorsqu’il explique, par une sorte de préoccupation de l’idéal, que le mâle ne leur semblerait jamais réaliser assez complètement, les façons que font la plupart des femelles avant de céder. On tente aujourd’hui de fournir, de toutes ces scènes, des interprétations plus physiologiques. La nécessité de propager une certaine excitation rendrait raison des gestes du mâle. En tous cas, sa beauté déployée déterminerait une sorte de fascination et d’hypnose plutôt qu’une élection délibérée[3].

Il reste qu’il est difficile de ne pas faire entrer en ligne de compte, si l’on veut s’expliquer les phénomènes en question, quelque appréciation d’ordre esthétique. En fait, les animaux sont capables de goût, comme le prouvent les nids ornés, les berceaux luxueux, les galeries et les reposoirs de certains oiseaux. Il semble de même que les femelles soient capables de préférences, comme le prouve l’histoire des paonnes qui restent volontairement veuves, après avoir été séparées d’un mâle favori[4], ou celle de cette Piranga rubra qui semblait

  1. Espinas, op. cit., p. 136-152.
  2. Romanes, op. cit., p. 387.
  3. Espinas, op. cit., p. 128. Cf. Yrjö Hirn, The origin of Art, p. 188. K. Groos, Les jeux des animaux, p. 278. Weismann, Vorträge, I, p. 241, 252.
  4. Darwin, Descend., II, p. 435.