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puiser des raisons d’opter pour ou contre les tendances que nous venons de dégager.

Que le travail se divise en effet et doive se diviser dans les sociétés comme dans les organismes, personne n’en disconvient. Et ceux qui réclament une réorganisation du régime économique ne demandent nullement que les activités productives, indispensables pour alimenter la civilisation, cessent d’être spécialisées. Ils font seulement remarquer que, grâce à ce régime, un nombre croissant d’hommes, ceux à qui sont réservées les besognes les plus fastidieuses et les plus déprimantes, sont pris tout entiers par elles et comme « mécanisés » eux-mêmes ; et qu’ainsi une des tendances directrices de nos sociétés, — celle par laquelle leur évolution s’opposait le plus nettement à celle des organismes, — se trouve manifestement contrariée. Nous soutenions que si le travail s’y divise de plus en plus, nos sociétés pourtant se prêtent de moins en moins aux différenciations proprement dites : pendant que la spécialisation technique se raffine, les inégalités et les incompatibilités juridiques s’effacent. Mais si cela est vrai, nous dit-on, des distinctions juridico-politiques, officiellement reconnues, cela n’est pas vrai de celles, inavouées de la loi, qui reposent sur notre régime juridico-économique. Sur ces fondements de nouveaux murs s’élèvent, où viennent se briser toutes les tendances égalitaires de la complication sociale.

Telle est la protestation essentielle que nous venons de dégager de la théorie « sociale-démocratique ».

Pour discerner ce qu’il y a de vrai et de faux dans la théorie ainsi présentée, quels renseignements faudrait-il avoir rassemblés ?

Un certain nombre de recherches de fait seraient d’abord nécessaires. La théorie suppose en effet la réalité d’un certain nombre de processus : la concentration des richesses et des entreprises capitalistes, — la mécanisation générale du