Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mains des organes de résistance ou d’attaque pour le maintien ou l’amélioration des conditions du travail[1]. La lutte pour la transformation de leur situation économique réclame et absorbe toute l’énergie, tout le temps, tout l’argent qui leur reste. Plus tard, une fois libérés, il leur sera loisible de se grouper, en vue de fins diverses, suivant leurs diverses affinités, développant ainsi toutes leurs puissances personnelles. Aujourd’hui leurs intérêts de classe priment tous les autres. La « conscience de classe » relègue dans l’ombre toutes les autres affinités. La force des choses travaille à constituer un prolétariat chaque jour plus nombreux, plus distinct, plus cohérent : processus nécessaire pour que l’institution des classes s’écroule enfin, et que l’immense majorité transforme le droit au profit de l’immense majorité. Et ce droit nouveau n’empêchera pas sans doute la technique industrielle de spécialiser, dans les limites nécessaires, les activités productives ; mais du moins le régime économique cessera-t-il de réduire, pour toute leur vie, un certain nombre d’hommes à l’état d’outils. Toute survivance de la différenciation étant balayée, le champ sera ouvert au libre jeu de la complication sociale, pour le plus grand bien de l’émancipation individuelle.

III

Si c’est bien en ces termes que le problème social se pose aujourd’hui devant la démocratie, on comprend de quel mince secours doit nous être en pareille matière la théorie organique. C’est à de tout autres sources qu’il nous faudra

  1. V. dans l’Année sociologique, IV, p. 550 sqq. et II, p. 490 sqq., les remarques de M. Simiand sur la publication de l’Office du travail : Les Associations professionnelles ouvrières, et sur le livre des S. Webb : Industrial Democracy.