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CHAPITRE II

LES FORMES DE LA DIVISION DU TRAVAIL DANS LA SOCIÉTÉ

L’argumentation antidémocratique soumise à notre examen fait fonds sur deux thèses : « Les organismes progressent par la différenciation » ; « Les sociétés sont des organismes. » Nous venons de discuter la première de ces thèses. Il faudrait maintenant discuter la seconde.

On sait combien d’arguments ont été échangés, sans résultats décisifs, autour de la théorie qui, assimilant les sociétés aux vivants, nous présente en ceux-ci les frères aînés et comme les modèles de celles-là. La « théorie organique » n’est, ont dit les uns, qu’une analogie décevante, et les lois qui régissent les organismes ne sauraient s’appliquer aux sociétés. Car les éléments sociaux sont séparés les uns des autres ; ils sont mobiles et peuvent se détacher de l’ensemble ; ils sont conscients et poursuivent leur fin propre. — Mais, ont observé les autres, les éléments organiques n’apparaissent-ils pas, si l’on y regarde de près, comme séparés eux aussi ? Ne sont-ils pas parfois capables, eux aussi, de vivre, au moins un certain temps, détachés du tout auquel ils appartenaient ? Enfin qui peut dire que leur activité propre n’obéit pas à quelque conscience obscure ? Ainsi, entre les sociétés et les organismes, la discontinuité, la mobilité, la conscience révéleraient, suivant les uns, de