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élémentaires, sa survivance est mieux assurée : moins exposé que les autres, il a plus d’avenir.

Donc, comme ils sont moins féconds, les êtres différenciés sont au total moins plastiques que les autres. La différenciation diminue de deux façons leurs chances de survie, et rétrécit leur place dans l’univers. Et c’est pourquoi, dans son livre sur la Dissolution opposée à l’Évolution[1], M. Lalande, après avoir passé en revue les derniers résultats généraux de la biologie, pouvait aboutir à cette conclusion paradoxale : « En résumé la différenciation conduit à la mort, et cela d’autant plus sûrement qu’elle est plus avancée. » Nous voici loin, semble-t-il, des principes posés par M. Milne-Edwards.

III

On fera peut-être observer que lorsqu’il vantait l’importance des êtres différenciés, Mime-Edwards entendait — comme les expressions mêmes que nous avons rappelées tendaient à le prouver — moins la place qu’ils occupent que le rôle qu’ils jouent, leur destination, leur mission dans l’économie générale de la nature. Admettons qu’ils passent plus vite que d’autres sur la terre : ils y laissent du moins un sillon plus profond. S’ils ne sont pas les reproducteurs les plus féconds, ils restent les producteurs les plus utiles.

Mais, même à ce point de vue, il faudrait faire des distinctions et des réserves. Voulez-vous dire que les organismes différenciés sont plus utiles à la nature en ce sens qu’ils contribuent, mieux que les autres, à l’entretien de la vie générale ? On conçoit combien il est malaisé d’apporter une réponse objective à une question ainsi posée. Toutefois,

  1. P. 146.