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donc, conclut M. Houssay[1], d’autant plus de frottement et d’autant moins de variabilité que les organes de l’être considéré sont plus étroitement liés entre eux, c’est-à-dire que cet être est plus différencié déjà et plus élevé en organisation. »

Et ce n’est pas seulement leur dépendance mutuelle, c’est la diversité même de leurs organes qui est capable d’alourdir et d’arrêter ces êtres. Parce qu’ils ont plus d’organes, ils ont plus de besoins, et des besoins plus spéciaux, c’est-à-dire exigeant pour être satisfaits certaines conditions déterminées de sol, de température, d’humidité[2]. Que ces conditions viennent à changer brusquement, comme il arrive dans les perturbations géologiques, et les êtres différenciés disparaîtront avant les autres, comme le civilisé, brusquement jeté dans un désert, y disparaîtrait sans doute avant le primitif. Ainsi s’explique la loi de Cope, d’après laquelle on voit les nouvelles séries d’êtres sortir, non pas des types terminaux — les plus différenciés — des séries précédentes, mais de types très antérieurs, et beaucoup moins différenciés. Par exemple ce ne sont pas, sans doute les plantes « supérieures » qui ont donné naissance au règne animal, mais bien les formes « inférieures » de protophytes, qui ne se distinguent pas des protozoaires. De même, ce sont les simples vers ou tuniciers, êtres moins spécialisés que les arthropodes ou les mollusques, qui ont sans doute donné naissance aux vertébrés. D’une manière générale, moins un être est spécialisé, plus il est apte à survivre aux grandes secousses qui bouleversent brusquement les conditions de la vie[3] : ses besoins étant plus

  1. La Forme et la Vie, p. 910.
  2. Cf. Le Dantec, Lamarckiens et Darwiniens, p. 182 (Paris, F. Alcan).
  3. Ainsi s’expliquerait, suivant M. Le Dantec, la prétendue immortalité du plasma germinatif. Car ce qui est vrai des organismes est vrai des éléments. Seuls les éléments reproducteurs qui sont le moins spécialisés, adaptés aux conditions les moins rigoureusement déterminées, peuvent résister à un changement de milieu aussi considérable que la sortie de l’organisme auquel ils appartiennent. C’est pourquoi eux seuls paraissent immortels. V. Évolution individuelle et hérédité, p. 221 (Paris, F. Alcan).