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« Il n’est pas un naturaliste, nous disait Darwin[1], qui révoque en doute les avantages de la division du travail. » — Si nous voulons constater que, depuis le moment où écrivait Darwin, l’opinion commune des savants ne semble pas avoir varié, ouvrons un manuel récent, l’Embryologie générale du Dr Roule : « C’est une question importante, y lit-on[2], que celle de la connaissance de la direction de l’évolution. Le fait incontestable est que les êtres changent de forme au cours des générations successives : mais ce changement a-t-il lieu en progressant du simple au complexe, ou inversement en allant du complexe au simple ? Ces modifications correspondent-elles à un perfectionnement continu ou à une régression ? H. Milne-Edwards a résolu ce problème avec sa loi du perfectionnement par la division du travail physiologique. »

Toutefois, l’unanimité est-elle aussi absolue qu’il le semble au premier abord, et la question est-elle tranchée sans appel ? La thèse formulée ne supporte-t-elle aucune restriction ? Peut-on vraiment continuer à soutenir que la différenciation en soi et par soi, en tout et pour tout, marque un progrès ?

I

Considérons donc de plus près, d’abord les moyens que la différenciation emploie pour obtenir les résultats qu’on nous vante, puis ces résultats eux-mêmes.

Nous remarquerons en premier lieu que cette différenciation, portée au plus haut point dans les organismes supérieurs, n’y apparaît pourtant jamais portée à l’absolu : elle n’élimine jamais complètement les ressemblances entre les éléments

  1. V. p. 25.
  2. P. 383.