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premier effet devrait être de faciliter le renouvellement anthropologique des capacités, indispensable à la prospérité collective.

C’était donc abuser de l’autorité de la biologie que d’exiger en son nom, avec une disproportion extrême des conditions, une distinction tranchée des classes, qui rendît aussi difficile que possible l’accès des fonctions directrices. Pas plus que celui des castes ou de la noblesse proprement dite, le règne de la bourgeoisie n’est fondé en nature. L’institution actuelle des classes n’a pas le caractère inviolable que l’anthroposociologie voulait lui assurer par sa consécration scientifique. Cette institution se défendra peut-être par bien d’autres arguments, d’ordre économique ou moral ; mais il faut cesser du moins de l’étayer par des arguments naturalistes, et renoncer à opposer, sur ce premier point, les « réalités objectives » à nos « aspirations subjectives ».

La tactique est en effet trop commode, de lier, pour les réduire à l’absurde, les aspirations démocratiques à des affirmations visiblement contraires aux faits. En réalité l’égalitarisme n’a nullement besoin d’affirmer que tous les individus naissent identiques, pas plus qu’il n’a besoin de nier que les fils ressemblent souvent à leurs pères. Constatons seulement que, quel que soit le père, nulle science aujourd’hui ne peut prédire d’un fils ce dont il est capable, ni s’il sera minus habens ou génial : « l’esprit souffle où il veut. » Constatons encore qu’on n’a jamais pu prouver, d’une qualité acquise par les parents dans l’exercice d’une profession, qu’elle eût été héréditairement transmise aux enfants. Constatons enfin que, quelles que soient leurs qualités innées, les souches encloses par des privilèges quel-