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la fortune, grâce à laquelle les privilèges sociaux seront plus sûrement conservés ?

Qu’une pareille préoccupation doive être par-dessus tout préjudiciable à la race, c’est ce que l’exemple même de la pairie suffirait à prouver. Trop souvent, Galton le note[1], le fils de lord n’use de son prestige que pour épouser « une héritière », dont la dot lui permettra de conserver la situation qui convient à un législateur-né. Or, les héritières, filles uniques ou seules survivantes, sont sans doute moins robustes et moins fécondes que les autres. Toujours est-il que leur descendance est moins nombreuse. Tandis que cinquante pairs, n’ayant pas épousé d’héritières ont 168 fils et 142 filles, 50 pairs ayant épousé des héritières n’ont que 104 fils et 104 filles. L’alliance des hautes fonctions avec les gros capitaux, la fusion des dirigeants et des possédants semblerait donc, bien loin de les régénérer, hâter le déclin des meilleures races. La préoccupation, et, si on peut dire, l’obsession capitaliste n’intervient ici que pour précipiter la dégénérescence des eugéniques.

L’action néfaste de cette même préoccupation nous apparaîtrait encore plus clairement si nous abordions l’étude de la natalité, et non plus seulement de la nuptialité, dans les classes supérieures. À considérer le rapport établi par la formule de Malthus, entre le mouvement de la population et le manque de subsistances, on pouvait croire a priori que les classes sociales les plus dénuées seraient aussi les moins fécondes. On sait maintenant, après observation, que ce serait plutôt le contraire : c’est par en haut que la dépopulation d’une société commence. « Les professions à revenu fixe, dit M. Dumont[2], sont moins fécondes que les professions à revenu aléatoire ; les professions libérales, bien que n’étant

  1. Hereditary Genius, p. 125-133.
  2. Natalité, p. 225, Cf. Van der Smissen, La Population, chap. I-IV.