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basses classes, d’individus réellement aptes à la direction des sociétés ?

Il est donc impossible de nous prouver a priori et mathématiquement que le rendement maximum des qualités naturelles est obtenu par l’organisation sociale actuelle. Cet optimisme reste indémontrable. Et l’on découvrirait au contraire bien des raisons de penser que la société n’exploite pas son jardin aussi rationnellement qu’on le dit.

II

Considérons en effet les conséquences démographiques de l’institution des classes, comment elle influe sur le mouvement, sur la quantité et la qualité de la population, en quel sens elle modifie la vitalité, la mortalité, la nuptialité dans les mondes qu’elle sépare ; nous douterons légitimement que cette séparation soit toute bienfaisante.

Et d’abord, s’il s’agit de mesurer la croissance ou la décroissance de la vitalité dans les classes dirigeantes et possédantes, on aperçoit, dans l’optimisme de leurs apologistes, une sorte de contradiction. Que l’air des sommets sociaux soit en effet funeste à la santé, ils ont pris soin de nous le rappeler. Ils nous ont montré que les familles dominantes, d’où qu’elles viennent, ne font que passer sur la scène lumineuse. À peine ont-elles eu le temps d’échanger un sourire avec la fortune : leur rôle est bientôt fini, car leur vitalité est vite usée. « La stérilité, les psychopathies, la mort prématurée, et finalement l’extinction de la race, ne constituent pas un avenir réservé spécialement et exclusivement aux dynasties souveraines. Toutes les classes privilégiées, toutes les familles qui se trouvent dans des positions exclusivement élevées partagent le sort des familles régnantes, quoique à