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essentiellement « affaire de repas ». Chez les races les plus différentes – chez les Sémites aussi bien que chez les Aryens – on retrouve à l'origine l'institution des « banquets sacrificiels » 423. En même temps qu'une offrande aux ancêtres, le repas est une confirmation de la parenté qui unit les vivants : c'est littéralement une communion qui ne peut rassembler que certaines personnes, désignées par leur naissance pour absorber certains aliments préparés selon les rites traditionnels. En Inde, la caste retient et renforce cet exclusivisme commun aux familles primitives. C'est la grande affaire pour les Hindous de ne pas se souiller au moment des repas. Manger avec ou même devant un étranger, à plus forte raison absorber un aliment qu'il aurait touché, autant de péchés impardonnables.

De cette crainte des péchés de bouche naîtront toutes sortes de précautions plus ou moins compliquées, non seulement pour l'absorption, mais pour la confection des repas, qui est une manière d'acte sacré. Nous avons cité les dictons hindous : « Pour douze Radjpoutes, il faut treize cuisiniers. Pour trois Brahmanes Kanaujas, trente foyers ! » Ces soucis de pureté se traduisent par une formidable consommation de vaisselle de terre. De là l'importance des potiers, fournisseurs attitrés de la communauté. « L'accumulation des débris de poterie et la masse des pots d'argile qui cuisent au soleil signalent, nous dit S. Lévi 424, l'entrée de tout village hindou. » Et sans doute les règles de la pureté alimentaire seront observées plus strictement, comme il est naturel, chez les castes les plus haut placées : n'est-ce pas d'ailleurs au scrupule avec lequel elles observent ces règles qu'elles doivent une part de leur prestige ? La déchéance de tel ou tel groupe s'explique, souvent, par le seul fait qui les a outrepassées. Le Brahmane coupable de ces manquements est