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adeptes, un talent spécial, cette sorte d’aptitude à « l’évolution rythmique » dont il vient d’être parlé. Or, cette aptitude, tout le monde ne l’a pas… Et dans ce cas-là, sous peine d’un piteux échec, il est inutile de chercher à l’acquérir. Sunt quos curriculo

Il en est qui avec le vers libre, avec le vers sans les entraves prosodiques coutumières, sentent leur souffle grandir ainsi que l’inspiration. J’estime, pour ma part, que n’importe qui peut apprendre à rimailler tant bien que mal, selon les règles traditionnelles, mais non point à composer des poèmes comme ceux de Kahn, de Régnier ou de Vielé-Griffin. C’est qu’il ne s’agit pas là, comme on s’est plu à le répéter trop souvent, d’une simple question de phrases à écrire en lignes plus ou moins égales, mais bien de l’inspiration même. La rime, à la rigueur, remplace jusqu’à un certain point l’inspiration ou le talent. Or, il n’en est pas de même des poèmes en vers libres où l’intérêt doit porter, en quelque sorte, tout le poids de l’attention qui n’est ni bercée ni distraite par la cadence des sons rimants.

Mais il en est aussi pour qui le moule exact du vers est la source même de leur talent et la raison même d’écrire. Ceux-là ne regardent pas le Parnasse de travers. Et pourtant, l’intransi-