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contiennent des strophes dans lesquelles le défaut de rythme classique ne diminue pas un instant l’harmonie et l’inspiration.

Toutes ces œuvres, pour n’être pas rimées, n’en ont pas moins une poésie charmante, si, par ce nom, l’on entend le don d’exprimer d’une manière rare des idées, ou de décrire des paysages au moyen d’images choisies ; et aussi, selon la belle expression de Diderot : tout ce qu’il y a d’élevé, de touchant dans une œuvre d’art, dans le caractère ou la beauté d’une personne ou même dans une production naturelle. Personne ne l’a montré avec plus de clarté que M. Léon Vannoz en deux études intéressantes sur la Prose et la Poésie[1].

Quand on se sert du terme de poésie, on le fait souvent avec une confusion regrettable. Dans notre langue, le vers et la prose ne sont pas toujours deux langages différents. Il n’y a pas que les poèmes qui soient poétiques. À ce compte-là tous les vers devraient l’être. Or, on sait assez combien de poèmes n’ont de vers que le nom. Ce n’est pas du nombre de syllabes que dépend la poésie. Certaines pages de Chateaubriand, de Jean-Jacques Rousseau, de Loti,

  1. Cf. La Revue Bleue, nos du 24 mai et du 6 juin 1903.