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VISIONS NANTAISES


Un soir d’hiver, quittant ma chambrette joyeuse
Pour la blafarde nuit morne et mystérieuse,
Le long des larges quais Nantais j’errais tout seul :
La neige à gros flocons tombait, silencieuse,
M’enveloppant dans son linceul !

J’aime à rôder ainsi le long des quais de Nantes :
J’y découvre toujours des choses surprenantes,
Soit que la Loire chante une de ses chansons,
Soit que la nuit s’emplisse aussi de voix tonnantes
Et de sanglots et de frissons :

Hosannahs de triomphe ou complaintes naïves,
Lugubres libera, barcarolles plaintives,
Guerz bretons, chants français et refrains étrangers :
Tout ce qu’en deux mille ans chantèrent sur ses rives
Martyrs, marins, soldats, bergers !

Et, me penchant alors, des chansons plein la tête,
Sur la Loire grondante ou doucement discrète,
Je crois voir, tout à coup, au rythme d’un refrain
Surgir du Fleuve après l’Ancêtre, le Namnète,
Ô Nantes ! qui fut ton parrain,

Le Romain orgueilleux dressant sa tête altière,
Et Donatien suivi de Rogatien, son frère,
Qui confessaient Jésus en marchant à la mort ;
Et le chef des Bretons, à l’âme rude et fière,
Conan-Mériadek-le-Fort !