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Dans sa châsse de plomb, dans son urne de pierre,
Il fut à toi, dès lors, antique Saint-Sauveur,
Et tes enfants pieux, aux saints jours de prière,
Peuvent l’interroger, encore, avec ferveur…

Car ce cœur n’est pas mort, si j’en crois la légende,
— Le cœur des preux, comme leur âme, est immortel —
Il dort, lorsque la France est respectée et grande,
Il dort, silencieux, à l’ombre de l’Autel…

Mais, sitôt qu’un malheur menace la Patrie,
Que chantent les clairons, que battent les tambours,
Que les canons brutaux commencent leur tuerie,
Le vieux cœur se réveille et bat à grands coups sourds ;

Rythmant la Joie ou bien la Tristesse de l’heure,
Scandant les Te deum ou les De Profundis,
Il bat, le triste cœur, il souffre, et saigne, et pleure
Tout le sang, tous les pleurs déjà versés, jadis !

Et le bruit monte, monte, emplit la basilique,
S’éteint, reprend, selon la victoire ou le deuil,
À croire, par instants, que la pauvre relique
Va briser les parois de son double cercueil !

Les Sceptiques ont dit : « Ce bruit, ce grand prodige,
C’est le heurt d’un marteau sur une enclume, au loin ! »
Soit !… mais le forgeron c’est Du Guesclin, vous dis-je,
Et l’enclume est son cœur et le marteau son poing !

C’est toi, Bertrand, c’est toi ! Toi qui, la nuit, te lèves,
Afin de marteler sur ton cœur fort et doux
Et de tes poings carrés, tes poings d’acier, des glaives
Pour le jour où la France aura besoin de nous !