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Mais le Vent jaseur de la plaine
À cet instant même calmit :
Avec lui se tut le vieux chêne
Qui de mon père fut l’ami…

Et, frémissant de tout mon être,
Ayant fait un signe de croix,
Le chapeau bas devant l’Ancêtre
À mon tour j’élevai la voix :


« Salut à toi, témoin du grand Passé prospère
Qui berças le Sauveur de la France et d’Armor !
Si tu dois quelque peu ton existence au père
Tu vas devoir au fils, dès aujourd’hui, ta mort :

Je te salue, ô chêne, à ton heure dernière !
Puisque tu m’espérais, m’as-tu dit, pour mourir,
Que le bûcheron vienne et te renverse à terre
Avant que ton vieux tronc n’achève de pourrir ;

Et que des artisans, de leurs gros doigts honnêtes,
Plongent dans ton vieux cœur l’acier de leurs outils
Et creusent dans ton bois quelques bercelonnettes
Où les Bretons pourront coucher leurs tout-petits…

Dans l’Espoir que l’un d’eux — bourgeois, seigneur ou rustre —
Mignon que bercera quelque femme, en chantant,
Devienne le Sauveur, le Conquérant illustre,
Le nouveau Du Guesclin… que la Patrie attend !…

Saint-Buc (Ille-et-Vilaine).