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Attacha sur son cœur l’Aigle de Sainte-Hélène,
Prit ses clefs, alluma sa pipe en porcelaine
Et, très ferme malgré ses quatre-vingt-deux ans,
Partit, faisant : « Adieu », d’un geste, aux paysans !

Il était accusé d’avoir, chaque dimanche,
Fait des réunions pour parler de Revanche,
D’avoir porté, malgré les ordres de Berlin,
Certaines couleurs… qui…, les trois couleurs, enfin !
Et d’avoir incité les enfants des écoles
À dire aux Allemands de moqueuses paroles.
Bref, il allait sous peu passer en jugement,
Ces « crimes » méritant un grave châtiment.

Pauvre vieux ! de tels coups pour lui furent trop rudes ;
Puis, cela dérangeait ses vieilles habitudes :
Ne plus voir ni ses fleurs, ni son humble logis
— Ses belles fleurs, surtout, aux couleurs du Pays, —
Cela brisa le cœur, voyez-vous, au bonhomme
Qui préféra dormir, en paix, son dernier somme :
Brûlant la politesse au juge, au Tribunal,
Il alla retrouver son petit Caporal !…

Il repose à Strasbourg, dans le grand cimetière.
Durant toute une année, en leur ardeur première
Les amis, chaque mois, vinrent un court instant
Sur sa tombe apporter les fleurs qu’il aimait tant ;
Ensuite l’on y vint tous les six mois encore ;
Et puis on délaissa « le papa Tricolore »,
Tant et tant que son coin fleuri sous le ciel bleu
Fut oublié de tous… excepté du bon Dieu…