Page:Botrel - Coups de clairon, 1903.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


De son bras droit gelé dans la Bérésina,
Du « petit chapeau noir » et de la « redingote »,
On sentait palpiter son cœur de patriote ;
Et, lorsqu’il arrivait au bout de son rouleau,
Le vieux soldat pleurait encor sur Waterloo !

À l’Allemagne, un jour, nous déclarons la guerre :
Le vieux, se souvenant des combats de naguère,
Devint pâle, puis rouge, et s’écria : « Tant mieux ! »
Mais ajouta tout bas : « C’est bête d’être vieux ! »
Et puis, enfin, grogna dans sa moustache blanche :
« Eh bien ! nous allons prendre une fière revanche ! »
Et pendant quinze jours, grand-père, en sa fureur,
Oublia de parler de son cher Empereur.

La chance fut d’abord pour les troupes françaises :
Mais l’on reçut bientôt des nouvelles mauvaises :
Les nôtres perdaient pied, un peu plus, chaque jour,
Et les casques pointus avaient Metz et Strasbourg.
Le vieux soldat, saisi d’une impuissante rage,
Ne parlait plus, rodait comme un loup dans sa cage ;
Mais quand, mourant de faim, Paris capitula,
Il cria, furieux : « Ah ! si l’Autre était là ! »

Pour lui, ce fut vraiment un effrayant supplice,
Mais il dut, jusqu’au fond, boire l’amer calice ;
Puis la Paix fut signée, et le vieil Alsacien,
S’étant couché Français, se réveilla Prussien !
Grand-père de ce coup resta six mois malade,
Et, lorsqu’il put aller faire une promenade,
Il vit tout aussitôt, les yeux baignés de pleurs,
Qu’on avait enlevé partout nos trois couleurs.