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empressée qui paraît principalement à la cour, la plupart languissent au dedans du cœur dans une mortelle léthargie ? Nul ne veille véritablement, que celui qui est attentif à son salut. Et s’il est ainsi, chrétiens, qu’il y en a dans cet auditoire qu’un profond sommeil appesantit ! Qu’il y en a qui en prêtant l’oreille n’entendent pas, et ne voient pas en ouvrant les yeux, et qui peut-être ne se réveilleront pas encore à mon discours ! C’est l’intention de l’Église de les tirer aujourd’hui de ce pernicieux assoupissement. C’est pourquoi elle nous lit, dans les saints mystères de ce jour, l’histoire du jugement dernier, lorsque la nature, étonnée de la majesté de Jésus-Christ, rompra tout le concert de ses mouvements, et qu’on entendra un bruit tel qu’on peut se l’imaginer parmi de si grandes ruines et dans un renversement si effroy[able]. Quiconque ne s’éveille pas à ce bruit terrible est trop profondément assoupi, et il dort d’un sommeil de mort. Toutefois, si nous y sommes sourds, l’Église, pour nous exciter davantage, fait encore retentir à nos oreilles la parole de l’apôtre. Le grand Paul mêle sa voix au bruit confus de l’univers, et nous dit d’un ton éclatant : « Ô fidèles, l’heure est venue de vous éveiller » : Hora est jam nos de somno surgere. Ainsi je ne crois pas quitter l’Évangile, mais en prendre l’intention et l’esprit, quand j’interprète l’épître que l’Église lit en ce jour. Fasse celui pour qui je parle, que j’annonce avec tant de force ses menaces et ses jugements, que ceux qui dorment dans leurs péchés se réveillent et se convertissent ! C’est la grâce que je lui demande par les prières de la sainte Vierge. (Ave.)

C’est une vérité constante que l’Écriture a établie et que l’expérience a justifiée, que la cause de tous les crimes et de tous les malheurs de la vie humaine, c’est le défaut d’attention et de vigilance. Si les justes tombent si souvent après une longue persévérance, c’est qu’ils s’endorment dans la vue de leurs bonnes œuvres. Ils pensent avoir vaincu tout à fait leurs mauvais désirs : la confiance qu’ils ont en ce calme fait qu’ils abandonnent le gouvernail, c’est-à-dire qu’ils perdent l’attention à eux-mêmes et à la prière. Ainsi ils périssent misérablement ; et pour avoir cessé de veiller, ils perdent en un moment tout le fruit de tant de travaux. Mais si l’attention et la vigilance est si nécessaire aux justes, pour prévenir leur chute funeste, combien on ont besoin les pécheurs pour s’en relever et pour réparer leurs ruines. C’est pourquoi de tous les préceptes que le Saint-