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CHASSES FANTASTIQUES.

Diane et de Nocticula (la lune), est demeurée le démon chef de certaines compagnies de femmes, sorcières et vampires, qui se plaisaient à parcourir les airs à cheval pendant la nuit[1]. En plusieurs endroits, et notamment en Basse-Normandie, on dit encore la chasse Proserpine ou Chéserquine, cette dernière dénomination n’étant sans doute qu’une altération de la première.

Dans le Mecklembourg et autres parties de l’Allemagne, les paysans avaient coutume encore, au milieu du siècle dernier, de laisser debout, après la moisson, quelques épis ; on dansait autour en chantant : Wode (Odin), Wode, prends cela pour nourrir tes chevaux[2].

Le souvenir traditionnel se manifeste ici sous un aspect singulièrement touchant : quel tribut magnifique, offert à un Dieu tombé, pouvait mieux témoigner d’une persévérante reconnaissance que l’humble don de ces épis précieux, parcelles de nourriture ; le peuple naguère avait vécu du Dieu, à son tour le Dieu vivait du peuple !

Pendant la durée du moyen-âge, la troupe aérienne s’étend et se subdivise sur tous les points de l’Europe. Tous les victorieux et les conquérants, à la suite d’Odin, s’en disputent tour à tour le patronage. C’est Arthur d’abord[3], Charles

  1. Dom. Martin, Relig. des Gaulois, t. ii, p. 59-60. — Burchard (Canon. lib. ix, ch. 5) nous fournit un témoignage important sur cette croyance : « illud etiam non omittendum quod quædam sceleratæ mulieres retro post Satanam conversæ dæmonum illusionibus et phantasmatibus seductæ, credunt et profitentur, nocturnis horis, cum Dianâ paganorum Deâ, et innumerâ multitudine mulierum, equitare saper quasdam bestias, et multa terrarum spatia intempestæ noctis silentio pertransire. » Dans un autre passage du même chapitre, l’auteur désigne ainsi ces attroupements de sorcières et de démons : Quam vulgaris stultitia Holdam vocat. (Vid. Ducange, Gloss., Suppl., vo Holda.)
  2. M. Goyer, art. sur l’Histoire primitive de la Suède, Revue française, no 7, janvier 1829.
  3. Aug. Thierry, Hist. de la conquête d’Angleterre par les Normands, t. iv, p. 24. — Académ. celt., t. iv, p. 76.