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RICHARD SANS-PEUR.

ritage contre les Anglais ; je dois à mon tour soutenir ses droits contre toi. » Sur ces paroles, ils recommencèrent à combattre ; mais Richard avait beau asséner des coups sur la tête de son adversaire, celui-ci demeurait inébranlable. « Comment, dit le duc, faux Burgifer, tu es plus dur que fer ou acier.

« Je croy quas faict tes armes forger dedans enfer,
Pour puissance que iaye ne les puis entamer[1]. »

Cependant Burgifer frappait aussi d’estoc et de taille ; mais il ne put blesser Richard, que la main de Dieu protégeait. La victoire demeurait indécise, lorsque Richard s’avisa de frapper son ennemi du pommeau de son épée. Ce pommeau renfermait maintes précieuses reliques qui y étaient soigneusement enchâssées, et grâces auxquelles les coups que portait Richard parvinrent enfin à briser l’armure de Burgifer. Lorsqu’il se vit en cet état, le diable demanda merci : « Sire, s’écria-t-il, cessez de me frapper, car il n’est pas au pouvoir d’un homme de guérir mes blessures ; mais je me rends à vous ainsi qu’il est de droit. — Et rends-tu aussi à Brundemor sa sénéchaussée ? — Oui, Sire, je m’en dessaisis, et la lui remets en votre présence. » Ainsi furent accordés les ennemis d’enfer, par la vertu et le courage de Richard de Normandie.

Alors le duc se tourna vers Brundemor : « Je veux, dit-il, aller à Rouen ; enseigne-moi le chemin que je dois suivre. — J’obéis à votre commandement, car je suis tenu envers vous plus que vous ne pensez : c’est moi que vous avez nourri pendant sept ans, et que vous aviez pris pour votre femme. — Je n’en suis que plus courroucé qu’un méchant démon m’ait fait une semblable traîtrise.

« Ne me tempte plus, par amour ten requier,
Et ten retourne arriéré, asses mas conuoyes[2]. »

  1. Roman de Richart.
  2. Roman de Richart.