Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
CHAPITRE III.

me nomme Brundemor, répondit le noir chevalier, et je puis vous certifier que nul ennemi ne saurait vous attaquer tant que mon épée sera là pour vous défendre. » Richard ne reconnut point, dans le chevalier noir, le méchant diable qui avait été sa femme pendant sept ans. Il le pria, au contraire, de le conduire à la rencontre des Anglais ; à quoi Brundemor s’employa avec tant de promptitude, que, entre tierce et midi, les Normands purent livrer bataille. Ils combattirent si vaillamment, que la victoire leur demeura. Alors, les ennemis prirent la fuite en désordre. En vain Brundemor les rappelait au combat, leur proposant un défi en l’honneur de leurs dames, ils couraient effrayés à travers prés et champs, et ne voulaient rien entendre. Brundemor, voyant que tout était fini, s’approcha du duc, et lui dit : « Sire, ai-je fait à votre gré ? — Oui, répondit Richard, vous êtes un preux chevalier, et vous m’avez rendu aujourd’hui un loyal service ; mais, à telle bataille que vous me fassiez appeler, je ne cesserai point de combattre pour vous. — J’y compte, dit Brundemor. » Là dessus ils se séparèrent.

Lors se sont départy Richard et ses gens tous
Qui retournent en lost de cueur ioyoulx[1].

Trois jours après ce combat, il prit fantaisie à Richard de se donner le divertissement de la chasse ; il commanda à ses veneurs de lui amener ses chiens, mais il fut surpris de les trouver déchirés et naurez villainement. Il demanda quelle en était la cause. « Sire, répondirent les veneurs, il y a dans la forêt de Riquebourg un énorme sanglier plus blanc que cygne, mais si méchant que nul chien courant ou lévrier ne peut en approcher sans recevoir de cruelles blessures. » Richard, en écoutant ces détails, eut grand désir de s’emparer du sanglier ; il déclara qu’on chasserait dans la forêt jusqu’à ce qu’on fût parvenu à le prendre. On remit la partie au lendemain. Environ vers l’heure de minuit, Richard étant couché, le diable qui avait été sa femme apparut devant son lit : « Sire,

  1. Roman de Richart.