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RICHARD SANS-PEUR.

Après le roman, Benoist de Sainte-More est le seul chroniqueur qui ait rapporté ce conte. Quant aux deux suivants, non seulement ils entrent aussi dans la composition du roman, mais ils sont cités par Wace, Benoist de Sainte-More et la Chronique de Normandie.

Une autre nuit que le duc cherchait aventure, il arriva devant une chapelle qui n’était plus hantée de personne. Mais, au temps de la gent païenne, ce lieu avait été habité, et comme il y avait eu un cimetière, on y voyait encore beaucoup de tombes[1]. Cet endroit était alors si désert, qu’à plus d’une lieue à l’entour, on ne rencontrait ni village ni maisons, ni arbres, hors un grand if,

Ou li venz mena grant estrif[2].

Richard voyant la porte du moustier entr’ouverte, et lumière à l’intérieur, descendit de cheval et entra pour dire ses oraisons.

Tout au milieu de la chapelle gisait une bière hideuse,

D’une eschele laide et porrie,
Assise sur dous granz quarreaus[3].

La tête et les pieds du mort se laissaient voir affreusement à travers les ais disjoints, et le visage était couvert fors seulement d’un vil suaire ensanglanté. Cependant, le duc passa outre, et s’étant agenouillé, déposa ses gantelets sur les marches de l’autel, puis se prit à dire ses prières,

Sa cupe à batre e sa peitrine[4].

Tout-à-coup il ouït un étrange frémissement à l’intérieur de la bière, et des cris forcenés, à faire crouler la couverture

  1. La Chronique de Normandie indique ce lieu comme étant situé à quelque distance de Baons-le-Comte (village.)
  2. Benoist de Sainte-More, v. 25,041.
  3. Idem, v. 25,062.
  4. Idem, v. 25,073.