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CHAPITRE III.

lui dit l’évêque en s’avançant revêtu de ses habits pontificaux. — Qui je suis ? s’écrie Charlemagne d’une voix tonnante, ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis votre empereur, que vous deviez servir, que vous avez trahi ! » L’évêque se jette dans ses bras ; le peuple le salue avec des acclamations de joie ; puis Hildegarde bénit le ciel qui lui a rendu son époux.[1]

On trouve encore, dit M. Marmier, un grand nombre de variantes de cette histoire qui rappelle le dénouement de l’Odyssée, dans les divers livres de légendes, notamment en Allemagne, dans celles de Mœringer et de Henry-le-Lion ; en Espagne, dans la romance du comte d’Irlos ; en Franche-Comté, dans la chronique de sire de Palud[2].

Ailleurs, dans les traditions normandes, cette aventure romanesque est rapportée, non plus à un chevalier contemporain de Richard Sans-Peur, mais à Guillaume-Martel, seigneur de Bacqueville et de Saint-Vigor, chambellan du roi Charles VI, et porte-oriflamme de France, à la bataille d’Azincourt, où il fut tué[3].

Peut-être voulait-on, par la conclusion rassurante de cette légende tant de fois répétée, calmer les inquiétudes, affermir la résolution de ceux qui se préparaient à quelque entreprise lointaine et périlleuse, et craignaient, avec raison, de compromettre, par une trop longue absence, leur bonheur domestique, ou d’aliéner leurs droits d’époux et de chef de famille.

La Chronique de Normandie, qui nous fournit le récit miraculeux de la pérégrination de Richard I à Jérusalem, nous transmet, ailleurs, sur une expédition en Terre-Sainte, attribuée cette fois au fabuleux Richard, fils du duc Aubert, quel-

  1. X. Marmier, Traditions d’Allemagne (Revue de Paris, année 1837, t. xxxviii, p. 181 et 182.)
  2. Idem.
  3. Nous raconterons cette curieuse tradition et plusieurs histoires analogues, lorsque nous traiterons plus loin des légendes romanesques.