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CHAPITRE XXIII.

manière à laisser apercevoir la route sur laquelle s’étendait, comme une longue machine tout étincelante sous sa vêture de fer, la troupe des assiégeants pesamment armée, qui s’avançait en rangs pressés et impénétrables. Cet aspect belliqueux fit tressaillir la fière héroïne ; elle se mit aussitôt en mesure de repousser la redoutable attaque qu’elle allait avoir à subir, et le succès, cette fois équitable et généreux, récompensa le zèle et les efforts de la courageuse châtelaine.

Cet évènement, et d’autres de même nature, où Jeanne joua toujours un rôle aussi noble que singulier, inspirèrent aux habitants du Molley et des communes environnantes une si grande vénération pour leur dame, que, en sa faveur, ils se cotisèrent pour racheter, au prix d’une énorme rançon, la liberté de son mari qui avait été fait prisonnier en mer par les Danois. Jeanne, voulant dédommager ses vassaux de leur générosité, leur fit présent d’une grande étendue de terres incultes, et, après leur en avoir facilité le défrichement, elle leur en abandonna les produits en pleine propriété.

Toutes ces traditions, auxquelles les villageois qui les racontent ne sauraient fixer d’époque précise, doivent se rapporter, suivant M. Pluquet, « à Jeanne Bacon, fille de Roger Bacon, l’une des plus riches héritières de son siècle. Elle eut plusieurs amants, deux maris, et sa vie fut fort agitée. Elle mourut sans enfants en 1376, et fut enterrée dans le monastère de Saint-Evroul, auquel elle avait fait de grandes donations[1]. »


maître berneval, architecte de saint-ouen.


Dans une des chapelles latérales qui entourent le chœur de l’église Saint-Ouen se trouve une grande et large pierre gravée, que l’on a depuis peu, pour en assurer la conservation, scellée dans la muraille, mais qui avait servi, suivant sa destination primitive, à recouvrir un tombeau. Nous em-

  1. Pluquet, Contes popul. de l’arrond. de Bayeux, p. 4.