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CHAPITRE XXII.

bienheureux abbé de Cluny, saint Hugues. L’entretien allait s’engager sur le roi Guillaume, lorsque l’abbé prévint toutes les réflexions d’Anselme, en lui disant : « J’ai vu, la nuit dernière, le roi amené devant le trône de Dieu ; le juge infaillible a prononcé l’arrêt de sa condamnation éternelle. » Saint Anselme, par respect pour le vénérable abbé, ne demanda pas d’autres détails, et partit, le jour suivant, de Marcigny pour Lyon.

Or, pendant la première nuit de ce voyage, un des clercs, qui était couché à la porte de la chambre du prélat, vit apparaître devant lui un jeune homme richement babillé, et le visage resplendissant d’un éclat divin : « Dors-tu, dit l’inconnu, en appelant le jeune clerc par son nom ? — Non, répondit celui-ci. avec une extrême surprise. — Eh bien ! répliqua l’ange, apprends une bonne nouvelle ; c’est que le différent, entre le roi Guillaume et l’archevêque Anselme, est à la veille de se terminer. » Le jeune clerc se leva tout joyeux, quoiqu’il lui restât encore quelque indécision dans l’esprit, sur le sens des paroles qui lui avaient été adressées. Toutefois, on eut une interprétation complète de ce songe, par une nouvelle vision dont fut favorisé, la nuit suivante, un des moines de l’archevêque. Ce moine étant à chanter matines, on lui présenta un parchemin sur lequel il put lire ces mots « le roi Guillaume est mort !  » Le moine leva les yeux, pour voir le personnage qui lui offrait cet écrit, mais il ne se trouvait point, autour de lui, d’autres personnes que ses compagnons. Il leur raconta ce qui venait de lui arriver, et quelques-uns d’entr’eux se détachèrent aussitôt, pour aller annoncer à saint Anselme la mort du roi, et le supplier de se remettre en possession de sa dignité pontificale[1].

Si nous en croyons le chroniqueur auquel nous empruntons ces détails, le peuple éprouva si peu de regret de la mort du roi Guillaume, que pas une larme ne fut versée sur son tom-

  1. Matthieu Pâris, Grande Chronique, t. i, p. 220.