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CHAPITRE XVIII.

ner la province. Waninge, lorsqu’il habitait ce pays, venait souvent chasser dans la vallée de Fécamp, comme avait fait Anségise ; mais, ne sachant pas qu’une prédilection divine s’étendait sur ce lieu, il ne lui accordait aucune vénération particulière. C’est pourquoi le Très-Haut résolut d’éclairer ce seigneur, et même de manifester, par son entremise, le trésor de grâce dont cette heureuse contrée avait reçu le don.

Waninge fut d’abord atteint d’une grande fièvre qui le réduisit, en peu de jours, à l’extrémité. Il vint même un moment où ceux qui l’entouraient et lui prodiguaient leurs soins le tinrent pour mort. Mais cette mort apparente n’était qu’un sommeil extatique, pendant lequel Waninge reçut de sublimes révélations. Sa vision embrassa le ciel et l’enfer ; il fut conduit tour-à-tour dans ces profondeurs ténébreuses où les damnés sont torturés sans relâche d’une souffrance infinie, et dans cet espace resplendissant où les élus savourent la jouissance inaltérable d’une béatitude divine. Après s’être livré à la contemplation de ces scènes merveilleuses, Waninge fut amené devant un juge qui siégeait sur un trône, avec un visage irrité et menaçant. À cette vue, le favori de Clotaire fut rempli de la persuasion qu’il s’était rendu coupable, à son insu, de quelque énorme faute. Il demeurait dans l’attente et dans la soumission, prosterné aux pieds du trône de justice, lorsque, par l’intercession de la bienheureuse martyre sainte Eulalie, le juge suprême accorda à Waninge sa guérison et vingt années d’existence, sous condition qu’il les emploierait à honorer le lieu sanctifié que, jusqu’alors, il avait négligé et méconnu. Enfin, le suppliant fut remis à la protection de sainte Eulalie, chargée de lui enseigner de quelle manière il devait bâtir un temple, pour se conformer aux desseins du Très-Haut. Celle-ci donna sur-le-champ ses instructions à son protégé, à qui elle recommanda de construire une église, en l’honneur de la sainte Trinité, au lieu où Anségise avait été témoin de l’apparition du cerf ; puis de fonder une abbaye dans les dépendances de cette église, et d’appeler, de Bordeaux, la sainte