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CHAPITRE XV.

Les prêtres sont sorciers par devoir ; les bergers par habitude ; les Juifs, les Italiens, les Égyptiens, par vocation innée. Outre ces différentes espèces d’individus qui entrent dans la classe de nos magiciens rustiques, il s’y rencontre encore certaines spécialités dignes de remarque et que nous allons signaler.

Ce sont d’abord les Joueurs de Verge d’Aaron, ou de Baguette divinatoire[1].

On se sert, pour baguette divinatoire, d’une branche tendre de coudrier ; il faut qu’elle soit fourchue, et celui qui en fait usage doit tenir une des extrémités de l’embranchement dans chaque main. Ce n’est pas précisément par un effort de la magie que l’on obtient le don de la baguette : un privilège de Dieu vous le départit au moment de votre naissance, et vous êtes, dès-lors, prédestiné à l’état de sorcier. En effet, avec l’aide de la baguette divinatoire, vous accomplissez beaucoup de choses, dans lesquelles on voit échouer le pouvoir des plus redoutables conjurations, telles que la découverte des sources ou ruisseaux souterrains, et celle des trésors cachés. Quand un joueur de verge d’Aaron vient à passer sur une eau souterraine ou sur un métal enfoui, aussitôt la baguette tourne fortement dans ses mains, et il peut reconnaître, aux mouvements plus ou moins précipités de ce merveilleux instrument, quelle est la force des eaux que la terre comprime dans son sein, ou de quelle espèce de métal est composé le trésor qu’elle recèle dans ses entrailles[2].

« J’ai suivi très attentivement, dit M. Le Fillastre, les expériences de trois sourciers qui ont été soumis à des épreuves rigoureuses où l’équivoque était impossible ; ils se sont sou-

    à saint Antide l’histoire de ce singulier voyage, ainsi que la malicieuse épreuve du distique latin.

  1. Dans le département de l’Orne, la baguette divinatoire est nommée simplement Vergette.
  2. P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec ; (Annuaire de la Manche, 1832, page 221.)