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SORCIERS, SORTILÈGES.

Cette proposition fut refusée avec tout l’éloignement et les scrupules qu’elle devait inspirer. Chaque chose arriva comme le sorcier l’avait prédite ; il fut récompensé généreusement, mais, depuis cette époque, le prudent villageois évita sa rencontre, et ne parla jamais de cette aventure qu’avec une extrême réserve.

Au reste, la maladie guérie, en cette occasion, par le savant berger du canton de Boos, n’est pas un cas rare en matière de sorcellerie. Presque toujours, aussitôt qu’un sort a été jeté sur une personne quelconque, il s’engendre dans ses entrailles une multitude d’animaux venimeux, tels que crapauds, lézards, etc., qui la tourmentent sans relâche jusqu’à ce qu’ils aient la fin de sa vie. On ne dit point que les sorts jetés sur les animaux aient des suites aussi étranges, ni même ordinairement aussi funestes. Ils empêchent, par exemple, une vache de donner son lait, ou le lait de produire de la crème. En Basse-Normandie, lorsque ces accidents se renouvellent, les paysans en expliquent la cause, en disant que la vache devenue stérile est ensorcelée par un homme qui a le Cordeau. Le Cordeau ou Corde au beurre doit avoir certains nœuds faits de la main d’un magicien. On attache cette corde au pied de derrière d’une vache que l’on conduit dans quelque chemin fréquenté des bestiaux. Si une autre vache vient à passer ensuite le même jour, au même endroit, tout le lait et tout le beurre qu’elle est en état de produire, profitera au maître du Cordeau. Un talisman si commode pour son possesseur, serait fort à redouter pour autrui, si son effet ne pouvait être aisément combattu. Le spécifique, qui doit guérir la vache ensorcelée, est tombé dans le domaine public, et chacun peut en faire un libre usage ; voici en quoi il consiste : On achète un cœur de bœuf dans lequel on enfonce un paquet d’aiguilles, puis on le fait bouillir, dans une marmite, à grand feu. Le cœur de bœuf, ainsi préparé, est un charme puissant qui force l’ensorceleur à venir se mettre à la merci de celui qu’il a offensé. Le conjurateur, fort empêché sans doute d’ap-